Aeroplans - Silent Eagle flight demonstrator aircraft F-15E1 © BoeingLe 12 juillet dernier, le prototype F-15SE à signature radar réduite de Boeing a effectué son premier vol à St Louis, siège des bureaux de développement de l'industriel de Seattle, amenant un nouveau concurrent des plus sérieux sur le marché des avions de combat.

S'il n'est pas aussi révolutionnaire que le F-22 de Lockheed Martin ou que le PAK-FA du russe Sukhoi, il est cependant très novateur et constituerait une réponse pragmatique de Boeing aux réalités économiques et militaires de nombreuses armées.

En effet, de nos jours, les plus grandes forces aériennes mondiales, telles que celles de Chine, de Russie ou des Etats-Unis, cherchent à acquérir des avions dits de cinquième génération, aux capacités exceptionnelles, que ce soit en terme de furtivité, de fusions de données ou de rayon d'action à haute vitesse (supercroisière).

 

 

 

 

Aeroplans - Silent Eagle flight demonstrator aircraft F-15E1 © BoeingNéanmoins, toutes ces nouveautés technologiques, si elles ajoutent une plus-value indéniable aux appareils qui en sont dotés, présentent un coût à l'achat et à la possession rédhibitoire pour la plus grande partie des armées de taille moyenne aux budgets de plus en plus limités. Pour ces forces aériennes, il ne restait alors plus qu'à se tourner vers des appareils de la génération précédente tels que le Rafale, l'Eurofighter ou le Gripen pour ne citer que les européens.

Même si ils disposent de capacités au combat proche de celles des appareils de cinquième génération dans certains domaines (on se souviendra des combats acharnés entre les F-22 et les Rafale aux Emirats Arabes Unis), ils ne peuvent réellement faire le poids en cas de conflit de haute intensité car, manquant de furtivité, ils seraient détectés et abattus bien avant d'avoir eu conscience de la menace représentés par les chasseurs furtifs. Flairant là un marché potentiellement important, et trop ravi de pouvoir faire de l'ombre à son concurrent Lockheed Martin, Boeing annonça en mars 2009 le développement d'une version « furtive » de son chasseur bombardier Aeroplans - Silent Eagle flight demonstrator aircraft F-15E1 © Boeinglourd F-15E Strike Eagle afin d'offrir une alternative « Low-Cost » aux F-35, T-50 et autres.

Si le terme « furtif » peut sembler quelque peu excessif pour décrire cet appareil, un effort notable aurait été fourni par les bureaux de développement de l'industriel afin de réduire la signature radar de l'imposant chasseur. Dans ce but, plusieurs nouveautés ont été apportées, telles que l'utilisation de peintures et de matériaux absorbant les ondes radars ou l'inclinaison de 15° vers l'extérieur des dérives, visant à réfléchir ces mêmes ondes dans une direction différente de celle d'arrivée tout en améliorant l'aérodynamique de l'appareil.

Cependant, la nouveauté la plus notable et novatrice consiste en l'emport d'armements en soute, aux seins de réservoirs conformes modifiés, destinés à recevoir aussi bien des missiles air-air que des armements air-sol. En effet, les charges externes d'un appareil sont responsables d'une part très importante de la signature radar, leur emport en interne permet donc de réduire celle-ci significativement. Cette furtivité nouvelle sera surtout valable dans le domaine air-air Aeroplans - Silent Eagle flight demonstrator aircraft F-15E1 © Boeinget beaucoup moins face aux radars terrestres. Le principal atout du Silent Eagle consiste en sa capacité à utiliser sa furtivité améliorée durant les premières heures d'un conflit, lorsque les défenses aériennes sont encore trop importantes pour les appareils classiques. Une fois celles-ci mises hors d'état de nuire et que la discrétion radar sera moins primordiale, l'appareil pourra reprendre son rôle de « camion à bombes » pour lequel il a été conçu dans le passé de par ses multiples points d'emports externes, tout en récupérant également ses réservoirs conformes originaux lui offrant un rayon d'action très vaste.

Grâce à ces différentes modifications par rapport à l'appareil originel, les bureaux de Boeing à St Louis annoncent une signature radar frontale comparable à celle du F-35, qui fut pourtant construit dès l'origine afin d'être furtif. Si cela se révèle être vrai, l'appareil de Lockheed Martin ferait face à un très sérieux concurrent et cela pourrait compromettre ses chances sur le marché export. En effet, le prix d'achat du F-35 ne cesse de grimper, se rapprochant désormais des 200 millions de dollars US alors que celui du F-15SE serait environ deux fois moins élevé. Boeing fait également valoir plusieurs avantages que possède son appareil face à celui de son concurrent, parmi lesquels une vitesse maximum plus élevée, ses deux réacteurs offrant une sûreté en vol plus grande, la présence d'un navigateur en plus du pilote, facilitant ainsi les missions complexes de pénétrations, ainsi que l'énorme capacité d'emport en externe du F-15.

De plus, l'appareil n'aurait pas à rougir concernant les autres atouts caractéristiques de la cinquième génération puisqu'il disposera d'un système d'armes et d'un radar électronique à antenne active particulièrement évolués tout comme son avionique avec un cockpit doté de larges écrans.

Aeroplans - Rafale M body body © Dassault Aviation - K. TokunagaSi certaines améliorations comme les dérives inclinées ne peuvent être implémentées que sur des cellules neuves de F-15, d'autres comme les soutes d'armements ou le revêtement furtif seraient disponibles en rétrofit sur les cellules des F-15E et leurs dérivés. Ainsi, Boeing vise clairement les actuels possesseurs de tels appareils que sont la Corée du Sud, Israël et l'Arabie Saoudite avec leurs respectifs F-15K, I et S. Tous les trois se sont récemment déclarés intéressés par la version furtive du chasseur, que ce soit en rétrofit ou par l'achat d'appareils neufs. Riyad a par exemple fait savoir son intention d'acheter 72 nouveaux F-15 sans en préciser la version, Séoul a contacté Boeing fin 2009 pour avoir de plus amples informations tandis que le premier ministre israélien se serait déclaré très intéressé par le Silent Eagle lors de son entretien avec le président américain le 6 juillet. Boeing a d'ailleurs pris les devants afin de disposer des autorisations de vente à l'export nécessaires délivrées par le Department of Defense américains, qui l'aurait déjà délivrée pour la Corée du Sud.

Pour conclure, on peut rappeler que Dassault a pris une initiative similaire à celle de Boeing en poursuivant ses travaux en vue de développer une version à furtivité améliorée de son Rafale à l'aide de moyens passifs tels que l'utilisations de peintures absorbantes, mais aussi et surtout actifs, en se servant des formidables capacités du système de guerre électronique SPECTRA. Si ces travaux sont menés à bien, le Rafale pourrait, tout comme le F-15SE, rafler une part non négligeable des contrats jusqu'alors acquis au F-35 de Lockheed Martin.

 

Edit : Aujourd'hui mardi 20 juillet, Boeing a procédé au tir d'un missile moyenne portée AIM-120 AMRAAM inerte depuis le réservoir conforme modifié gauche, à peine une semaine après le premier vol du prototype F-15E1. L'industriel semble donc mener au pas de charge la campagne d'essais du Silent Eagle afin de pouvoir le commercialiser aussi vite que possible, lui permettant ainsi de profiter pleinement des déboires du F-35.

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