Aeroplans - A330MRTTNous l’attendions depuis plusieurs semaines et voilà que le nouvel appel d’offres pour le renouvellement de la flotte des ravitailleurs de l’armée de l’air américaine (USAF) est désormais lancé.

Ce troisième appel d’offres qui vient après deux tentatives infructueuses pour répondre à un besoin de plus en plus urgent pour l’USAF de remplacer ses vieux KC-135R (en service au mieux depuis 1964) va de nouveau mettre en compétition Boeing et l’alliance transatlantique formée par Northrop Grumman et EADS.

Le contrat est toujours aussi faramineux puisqu’il devrait s'élever dans un premier temps à environ 35 milliards de dollars pour 179 appareils. Trois étapes sont prévues dans le plan d'achats, pour un montant total de quelque 100 milliards de dollars. Voici donc le match relancé sans que l’on sache pour le moment ce qui a vraiment changé. Sur fond de plainte devant l’OMC et de crise économique, le combat pour décrocher ce contrat sera une nouvelle fois intense et passionnant à suivre.

Aeroplans - B777

Un temps mise à l’écart, c’est finalement l’Air Force qui est de nouveau aux commandes pour le renouvellement de sa flotte. Le Pentagone aura également « un « rôle fort de supervision » selon Robert Gates. Ceci pour assurer la transparence la plus totale. En 2004, la première tentative avait menée un responsable des achats du Pentagone et un ancien directeur financier de Boeing en prison pour une affaire de conflit d'intérêts.

Ensuite en 2008, Northrop et EADS étaient en bonne voix pour remporter le deuxième appel d'offres avec un avion basé sur l'A330 MRTT, le KC-45A. Mais le Pentagone avait alors annulé l'opération après la découverte de « manquements aux règlements de l'US Air Force dans l'examen des dossiers concurrents ».Des manquements mis en lumière grâce à Boeing. En tout cas, l’annonce faite la semaine dernière a immédiatement ranimée les tensions entre les élus de l'Etat de Washington et du Kansas, où Boeing dispose de l'essentiel de ses sites industriels, et ceux de l'Alabama, où Northrop et EADS envisageaient d'assembler leurs appareils.

Deux grands thèmes seront décisifs pour l’attribution du contrat : les coûts d’achat, opérationnels et de maintenance, ainsi que la correspondance avec le cahier des charges. Celui-ci a été rédigé de façon très précise : 373 caractéristiques doivent obligatoirement être remplies par le ravitailleur proposé et 93 sont de l’ordre de la valeur ajoutée, chacune valant un certain nombre de points supplémentaires à l’appareil en compétition. L'avionneur américain et son concurrent ont indiqué vendredi travailler sur la réponse qu'ils comptaient apporter au nouvel appel d'offres.

Si Airbus devrait maintenir son offre sans trop la faire évoluer, Boeing hésiterait à proposer deux appareils différents. « Que ce soit l'agile et flexible ravitailleur de la gamme 767 ou le grand ravitailleur de la gamme 777, Boeing va fournir un ravitailleur prêt au combat avec une capacité maximale à un coût le plus bas », écrit le groupe. Pour lui, tout dépendra des priorités de l’USAF. C’est donc un avion à la carte que devrait proposer l’américain. Une stratégie peut-être en décalage avec EADS et Northrop qui espérons le, jouent avec les mêmes règles.

Déjà, Northrop dénonce se plaint de n'avoir pas accès aux mêmes informations que son concurrent Boeing. Northrop et EADS estiment que Boeing a eu connaissance de l'offre tarifaire qui leur avait permis de remporter le précédent appel d'offres, annulé en 2008... N’oublions pas non plus que la conversion du B777 en ravitailleur n’a pas encore était réalisée. Un tel choix demanderait encore plus de temps et d’argent alors que le problème est urgent. Elle offrirait toutefois une solution à la taille du KC-45A proposé avec succès par la concurrence lors du précédent appel d’offres et basé sur la structure de l’Airbus A330. Boeing souligne qu’un KC-777 pourrait transporter 23% de carburant, 42% de passagers et 44% de cargo en plus que le KC-45A. Northrop Grumman a toutefois déclaré de son côté « attendre avec impatience de concourir pour remporter le contrat une nouvelle fois ». Inutile de rajouter que l’on aime cette mentalité. Le partage de la commande semble en plus exclue par l'Air Force ce qui rend le contrat d'autant plus alléchant.

Aeroplans - A330-300« Dans le cadre de cet appel d'offres, les Etats-Unis ne tiendront pas compte du différent sur les subventions qui oppose Airbus à Boeing devant l'Organisation mondiale du commerce». Selon un document du Pentagone dont l'AFP a obtenu une copie jeudi, le département américain de la Défense ne se juge pas « compétent pour prendre en compte ces réclamations ».

Principal allié du tandem américano-européen, le sénateur de l’Alabama, Richard Shelby déclare au représentant au commerce Ron Kirk que : « Ce serait une grave erreur, avec de graves conséquences tant pour notre économie que pour nos relations commerciales, que de se servir d'un rapport préliminaire de l'OMC comme justification pour limiter la faculté de nos militaire de se procurer le meilleur équipement possible ».

Or, la réponse proposée par EADS/Northrop avait déjà été jugée comme la meilleure en 2008. Si le sénateur pouvait remporter lui aussi ce contrat (puisque les usines seraient construites dans son Etat), ce serait alors en toute logique. Cependant, ses confrères du Kansas et de Washington où est très implanté Boeing ne l’entendent pas de cet avis et déjà les frondes informationnelles commencent à faire leur apparition. Pour eux, les aides publiques au financement des projets d’Airbus seraient illégales et brouilleraient les cartes. Le sénateur Shelby a tout simplement rappelé que l’avis préliminaire de l’OMC juge le système européen légal.

Avec les premiers résultats de cette enquête prévus pour 2010, la première livraison est maintenant attendue en 2015, pour une entrée en service en 2017. Fait encourageant, Northrop vient tout juste de rafler le contrat pour la fourniture de servıces logistiques pour l'entretient de la vieille flotte de KC-10. Si le processus se veut transparent au possible, il se pourrait bien que la décision se règle à l’amiable politiquement. Washington voit en tout cas d’un mauvais œil la récente progression notamment du Rafale et de l’Eurofighter sur les marchés export et ces événements joueront eux, certainement dans la balance.

En attendant, le secrétaire à la Défense, Robert Gates, a insisté mercredi sur « l’importance de faire aboutir ce dossier vite et bien », lors d'un discours devant l'Association de l'US Air Force. « Nous nous sommes engagés à lancer un processus de sélection intègre et nous ne pouvons pas nous permettre le genre d'échecs, de discours corporatistes et de querelles d'entreprises qui ont freiné cet effort dans le passé », a-t-il martelé. Je ne vous le fais pas dire.

MC.

Aeroplans - A330MRTT pour l'Australian Air Force