Aeroplans - Rafale B © Jean-Christophe Moreau / Creative Center / SAFRANComme nous l’avons observé depuis maintenant quelques années, l’Inde amorce un tournant important dans sa stratégie de défense aérienne. En jeu, une situation géopolitique complexe servie sur un territoire immense.

L’arme aérienne n’a donc rien d’anecdotique pour l'Inde.

Si le pays est devenu le marché potentiel qui fait saliver les industriels du monde entier c’est bien parce qu’il est absolument énorme et que tout, ou presque, reste à faire.

Cependant, force est de constater que certains pays ont pris de l’avance et affirment leur influence mois après mois.

 

 

La Russie est de ceux-là avec notamment la vente récente de 42 chasseurs bombardiers lourds Sukhoï-30MKI. Mais les Etats-Unis comptent bien profiter de leur statut pour vendre beaucoup d’avions dans la région de même que la France qui souhaite s’appuyer sur ses Mirage pour conclure de nouvelles ventes.

Le MMRCA symbolise les ambitions indiennes.

Sous l’acronyme MMRCA (Medium Multi-Role Combat Aircraft) se cache un contrat énorme pour la vente de 126 avions de combat. Celui-ci, lancé en 2008, est évalué à 12 milliards de dollars. Le gagnant fournira 18 appareils prêts à voler tandis que les 108 autres seront fabriqués sur place. Alors que le gouvernement indien exige en règle générale que les contrats d'armement signés avec des entreprises étrangères se traduisent par des accords de compensation assurant que 30 % de la valeur du marché est rétrocédée à des entreprises locales, cette part est portée à 50 % dans le cadre du contrat MMRCA.

Aeroplans - MMRCA

Or l’évaluation du coût faite par les instances indiennes dépend de l’appareil choisi. En effet, les avions qui concourent actuellement sur le MMRCA affichent d’importantes différences de prix. Ce n’est pas tellement le prix d’achat des appareils qui fait une telle différence mais leur coût de maintient en condition opérationnel. Du coup, il n’est pas clair si le nombre des avions qui seront achetés sera fixe ou variable ou si c’est le budget indien qui peut être adapté.

En dehors du prix, les Indiens se sont offert le luxe de présenter un cahier des charges large, permettant à un avion conçu dans les années 1970 de concourir aux côtés des avions les plus modernes. Un luxe que peu de pays peuvent s’offrir mais qui coute cher aux industriels. Un récent calcul montre que chaque participant devra débourser 180 millions de dollars en moyenne.

Une élimination dans les prochains jours ?Aeroplans - Su-30 © Sukhoi

Déjà au mois de mai dernier, des rumeurs faisaient apparaitre que quatre des candidats présents n’avaient pas réussi les tests en haute altitude depuis la base de Leh. On se souvient aussi de l’élimination en avril 2009 puis de la réintégration du Rafale dans la compétition.

Alors que la compétition se veut transparente, chaque nouvelle élimination devra être durement argumentée de la part de l’IAF (Indian Air Force). A ce stade, aucun avion ne peut être écarté s’il a encore une chance de gagner. C’est pour cela que nous suivrons les résultats apportés par le comité technique avec la plus grande attention. Ce groupe en charge d’évaluer techniquement les avions rendra son rapports dans les prochains jours. C’est à l’issue de ce dernier qu’un des concurrents pourrait prendre le large.

Reste que les capacités techniques de l’avion qui aura le privilège de voler en Inde ne seront pas les seules à compter dans ce choix Aeroplans - C-17 Globemaster III © Boeingéminemment stratégique. Nous avons vu que l’Inde s’est rapproché au fil des ans de différents pays. La Russie continue d’étendre sa grande influence dans le pays. Outre le MMRCA ou la vente des Sukhoï-30MKI, Moscou vise différents contrats. On pense notamment au Be-200 qui reste favori dans un contrat portant sur six avions amphibies.

Mais les Etats-Unis n’ont pas dit leur dernier mot et comptent à la fois sur le désir de l’Inde d’intégrer des alliances comme l’OTAN que sur son appétit pour les hautes technologies. Si l’héritage britannique sur les technologies de pointe doit servir à quelqu’un ça sera bien à Washington. L’Inde négocie actuellement un contrat de 4,3 milliards d’euros pour l’achat de dix C-17 Globemaster III. Pour remplacer ses vieux Il-76, l’Inde aura repoussé une offre d’Airbus Military pour ses A400M. Ceci alors que Boeing vient découler huit exemplaire de son nouveau P-8 Poseidon pour la surveillance maritime.

Aeroplans - F-22 Raptor dans la mire d'un RafalePar ailleurs, en janvier dernier, le gouvernement indien avait passé une commande de 6 ravitailleurs Airbus A330 MRTT, avant d'annuler le contrat, considéré comme trop cher. Il se préparerait aujourd'hui à acheter pour le même prix (1,5 milliard de dollars) le même nombre d'avions ravitailleurs américains KC-130J, une des versions du cargo C-130J Hercules de Lockheed Martin. L'Inde a déjà commandé ces dernières années six C-130J chez Lockheed-Martin pour ses forces spéciales, pour 1,2 milliard de dollars.

La France joue sur différents tableaux en Inde.

Mais attention, la France n’est pas en reste en Inde même si celle-ci s’affiche plus volontiers avec les Russes ou les Américains qu’avec les Européens. Si elle participe évidement au MMRCA grâce à Dassault Aviation et son Rafale, elle pourrait déstabiliser le marché grâce à ses Mirage 2000. Nous verrons dans un prochain article qu’outre son appétitAeroplans - Mirage 2000-5 en vol © Frédéric Lert / SAFRAN pour les nouvelles technologies, l’Inde pourrait adopter une stratégie plus pragmatique mais néanmoins adaptée à ses contraintes grâce à des appareils certes moins modernes mais pour le moins efficaces. Or, dans ce cas-là la France pourrait décrocher le pompon en Inde.

En attendant, les Français continuent leurs efforts pour tenter de vendre le Rafale en Inde. Le jeudi 18 mars, deux officiers indiens ont pu découvrir et tester par eux même toutes les qualités du Rafale au sein de l’Escadron de chasse 1/7 Provence. Déjà, les deux officiers seraient repartis le sourire aux lèvres, bluffés par les capacités et la facilité d’utilisation du chasseur.

Au-delà, l’Inde participait ce mois-ci à l’exercice international Garuda 2010. Pour la première fois, l’exercice franco-indien accueillait aussi les forces Singapouriennes. Du côté de l’IAF, ce sont six Su-30, un Iliouchine Il-76 et trois Iliouchine II-78 qui avaient fait le voyage. Intelligemment, l’armée de l’air française avait elle aligné des Mirage 2000-5, des Mirage 2000 RDI de l’escadron 2/5 « Ile-de-France » et Aeroplans - RAF Typhoon with Spitfire © Karl Drage pour  Eurofighter Typhoonsurtout trois Rafale. Ces derniers n’ont pas participé de façon continue aux exercices, mais des Indiens ont pu y voler en place arrière en début d’exercice, et ils ont servi de façon sporadique à jouer les « attaquant ».

De leur côté, les Allemands ont fait récemment connaître leur intention d'organiser des exercices similaires, pour pousser le Typhoon EF 2000.

Enfin, on se souviendra encore des révélations faites par Flight International en mai dernier. La revue britannique interrogeait un pilote anglais suite à son essai de l’avion français et les conclusions étaient sans appel : le Rafale est « simplement le meilleur et le plus complet avion de combat sur lequel j’ai volé. Si je devais aller au combat, quelle que soit la mission, contre quiconque, je choisirais sans hésitation le Rafale » Et il n’y a pas à redire sur la qualité du pilote-testeur, Peter Collins : ancien pilote de la Royal Air Force, il a notamment volé au sein de patrouille acrobatique des Red Arrows.

 

A lire ensuite : En marge du MMRCA, une flotte d’avions moins évoluée n’est-elle pas la solution la mieux adaptée pour l’Inde ?

En complément : La lutte fratricide entre Dassault et Thales en Inde.