Aeroplans - RafaleAnalyse – Trois ans et demi de négociations, des hauts et des bas, nous y avons cru puis nous avons désespéré, mais où en sommes-nous avec le Rafale aux Emirats arabes unis ? Alors que le numéro deux du Royaume vient d'envoyer un Scud (qui pourrait plutôt être un Meteor) à l'encontre des négociateurs français, la presse regorge d'analyses au sujet de l'échec du Rafale aux Emirats. Petit tour d'horizon, qui par la même enrichira la collection de tout bon chercheur.

 

 

 

 

Quand le numéro deux du Royaume tire à boulets rouges.

Depuis le début des négociations entre la France et les Emirats arabes unis pour la vente d'une soixantaine d'appareils, les déclarations émiriennes se sont faites assez rares. Quand on y pense, seules celles invitant les Français à plus de retenue nous reviennent à l'esprit. Et c'est bien normal car tout contrat d'armement se doit de s'entourer du plus grand secret et éviter toute fanfaronnade impromptue. N'en déplaise à Gérard Longuet, le Ministre de la Défense français, toute déclaration est alors à prendre avec le plus grand sérieux surtout quand il s'agit du cheikh Mohammed ben Zayed al Nahyane. Un homme qui ne prend pas souvent la plume quand il s'agit de ce type d'affaires.

Reste que les relations diplomatiques entre les Emirats arabes unis et la France sont au beau fixe. Les deux leaders que sont le cheikh et Nicolas Sarkozy se plaisent d'ailleurs à se présenter en tant qu'amis. Les deux hommes ont d'ailleurs présidé l'inauguration de la Base Aérienne 104 d'Al Dhafra le 26 mai 2009. La base qui accueille d'ailleurs des Rafale français revêt une importance cruciale pour les deux pays et symbolise ce partenariat stratégique. Cependant, pour revenir sur les mots de Charles Edelstenne et la vente d'un avion de chasse étant évidemment un acte politique, il n'en demeure pas moins une importante mise à contribution des finances publiques. Si la souveraineté n'a pas de prix, la concurrence elle, se permet parfois d'intervenir pour faire résonner des caisses parfois moins pleines que l'on ne le pense. N'oublions pas que si Abu Dhabi profite de ses importantes ressources pétrolières, l'émirat de Dubaï développe de son côté une économie basée sur la finance (Aïe), le tourisme (re-Aïe) et des entreprises désormais connues dans le monde entier comme la compagnie Emirates qui se sera faite entendre dernièrement pour quelques annulations de commandes.

"Malheureusement, Dassault ne semble pas conscient que tous les efforts diplomatiques et politiques du monde ne peuvent pas compenser une proposition commerciale non compétitive et qui ne constitue pas une base de travail." Tels sont les mots du numéro deux du royaume alors que le Dubaï Air Show bat son plein. Alors que la classe politique (qui finalement continue de commenter le dossier) se disait confiante malgré des premières fuites dans la presse, nous remarquons que personne n'est encore sorti du bois pour réaffirmer la confiance française dans ce dossier. La question est alors de savoir pourquoi mais là, le secret des affaires fait loi pour une fois.

Aeroplans - Rafale

Le Rafale et son marché presque gagné.

La comparaison avec l'échec au Maroc est aisée mais pourtant nécessaire. Si à l'époque l'avion ne s'était pas vendu car le Maroc s'était retrouvé avec trop d'interlocuteurs (la presse évoque le même problème aux EAU) pour au final se retrouver avec deux offres différentes, on ne parle cette fois-ci que de Dassault comme responsable. En effet, Nicolas Sarlozy a désigné un seul superviseur au niveau de l'Etat, Alain Juppé, et les déclarations émiriennes portent bien contre Dassault. Mais que se passe-t-il alors au sein de l'entreprise française ? Dassault et sa réputation conservatrice n'aurait-elle pas su s'adapter à un environnement de plus en plus concurrentiel où l'accord entre dirigeants n'est pas la seule donnée décisive ?

Le Rafale est par ailleurs dans la dernière ligne droite en ce qui concerne un autre méga-contrat. En Inde, les enveloppes ont été ouvertes pour la campagne MMRCA qui ne compte plus que le Rafale et l'Eurofighter. Le DRDO (organisme en charge des achats pour la défense) va baser sa décision sur sept critères de prix pour rendre sa décision. Autant dire que les réactions émiriennes ne mettent pas en confiance les supporters du Rafale. A moins que l'offre soit particulièrement agressive et que Dassault espére combler le déficit avec la vente aux Emirats ?

Dans tous les cas, le jeu semble dangereux. La décision émirienne est aujourd'hui au mieux considérée comme reportée à plusieurs mois et d'autres acteurs sont désormais sur la zone. Les Américains ont été les premiers, alors que le consortium autour d'Eurofighter vient d'annoncer son entrée. Un accord que même Louis Gallois (EADS) prétend avoir appris dans la presse. Il aurait été négocié dans l'ombre par BAe Systems, l'une des entreprises les plus agressives du moment.

L'Eurofighter sourit alors que la fin du monde approche.

L'Eurofighter et ses capacités limitées face au Rafale, nous voici de retour à l'éternel débat entre compétitivité (le prix de l'Eurofighter s'envolant de plus en plus haut lui aussi) et celle du "business à la papa". Une révolution pour une Europe qui s'endort de plus en plus face à des Anglo-Saxons qui tentent de se relever et de nouveaux entrants survoltés. Reste que le Rafale a tout pour lui aux Emirats. Les retours d'expériences de la campagne libyenne sont si bons que les Emirats auraient même commencés à renoncer à un moteur de 9 tonnes réduisant ainsi les dépenses qui en découleraient.

De plus, la lecture qui est parfois faite de ci de là démontre que la vente aux Emirats est absolument cruciale pour sortir l'avion d'une impasse commerciale. Des prospects plus petits comme la Suisse ou le Qatar seraient eux-mêmes dans l'attente de gros clients comme les Emirats, car ils n'ont pas les moyens de se lancer dans une évaluation des appareils trop coûteuse. Dans ce cas là, la décision émirienne, si elle se confirmait, pourrait être une véritable catastrophe pour l'industrie aéronautique militaire française.