Aeroplans- Ariane 5Le futur du lanceur lourd européen nous aura fait, et nous fera encore, vibrer plus d'une fois. Le projet que l'on pourrait vulgairement dénommé « Ariane 6 » aura été pour les simples observateurs que nous sommes plus malmené que jamais alors même que le président de la République, M. Nicolas Sarkozy, vient finalement de lancer les préparatifs pour cette prochaine génération de lanceur.

Attente interminable, un rapport présenté au Premier Ministre, M. François Fillon, qu'il est difficile de déchiffrer et des articles de presse alarmants, l'avenir de la fusée Ariane ne semblait pas toujours emprunter les chemins que nous aurions voulus. Aujourd'hui, nous vous proposons de revenir sur ce couac bien à la française.

Un avenir tourné vers les lancements commerciaux ou institutionnels ?

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? C'est souvent le sentiment que l'on éprouve quand on lit un rapport de la trempe de celui qui vient d'être remis au Premier Ministre sur l'avenir du programme Ariane. Un rapport si complexe que même le CEA (Commissariat à l'Energie Atomique) aura menacé de faire sécession. Sachant qu'il faudrait plus d'une quinzaine d'années pour mettre au point une « Ariane 6 », la décision de lancer définitivement son développement se fait de plus en plus pressante. L'annonce faite lors du salon du Bourget par le président de la République est d'ailleurs des plus encourageantes, même si l'on ne perçoit pas encore avec certitude l'étendue des efforts qui vont être mis en œuvre. Reste que cette opacité administrative a conduit les observateurs dans des directions assez improbables, ou du moins c'est ce qu'il faut espérer.

Aeroplans- Ariane 5Le succès du programme Ariane 5 est, après l'aventure technique qu'elle constitue, un formidable succès commercial. La société commerciale Arianespace est aujourd'hui le leader incontesté dans le monde et tente année après année de rendre la filière spatiale européenne rentable. Si elle y est enfin arrivé, n'oublions pas que cette filière ne peut pas seulement être réduite aux impératifs économiques compte tenu des savoirs faires, emplois et autre problématiques de puissances sous-jacents.

Or, au lendemain de la parution du rapport Fillon, nous pouvions découvrir avec stupéfaction que les lancements commerciaux allaient être « abandonnés » au profit de seul 3 à 4 lancements institutionnels par an. Un virage à 180° comme il fut coutume de dire alors même qu'Arianespace n'arrête pas d'annoncer de nouveaux contrats dans le monde.

Au final, ce couac comme on les aime en France ne serait que purement lié à la communication des acteurs. Si la priorité est officiellement mise sur les lancements institutionnels, les lancements commerciaux ne sont pas pour autant écartés. On comprend alors mieux la réaction de M. Le Gall qui se satisfaisait des conclusions du rapport. Il est d'ailleurs logique qu'un programme principalement financé sur des fonds publics continus de laisser la priorité aux charges des pays membres de l'ESA. Ceci sans pour autant mettre en péril les efforts d'Arianespace qui pourra continuer de lancer toujours plus de satellites commerciaux et étrangers. Au final, avec le premier tir de Soyouz prévu pour janvier 2010, l'arrivée de Vega, les installations Galileo et le développement de la future Ariane, l'activité en Guyane va bientôt atteindre un niveau historique.

Des failles de plus en plus visibles.

Le lancement ce 1er juillet 2009 du plus gros satellite de télécommunications jamais construit, TerreStar-1, de l'américain Loral Space Systems, met encore plus en évidence l'évolution des satellites vers des charges de plus en plus importantes et donc le besoin pour l'Europe de se doter d'un lanceur de plus grosse capacité. Si le lancement de TerreStar-1 a obligé le client à prendre en charge la globalité des frais liés au lanceur, la politique qui aura aussi fait le succès du programme Ariane et qui est la capacité de lancement double est compromise.


Aeroplans- Ariane 5 pour TerreStar-1L'arrivée théorique à l'horizon 2016 d'une Ariane 5ME pouvant placer jusqu'à 11 tonnes en orbite n'est finalement qu'une façon de gagner du temps, TerreStar-1 pesait tout de même 6,910kg et n'est que le premier de sa génération. Une évolution qui est d'ailleurs logique pour les satellites de télécommunications puisque les besoins des opérateurs sont de plus en plus nombreux et gourmands en termes de capacité, la durée de vie du satellite est également un enjeu économique non négligeable.

Ainsi, les évolutions possibles ne manquent pas au sein même du programme Ariane. Le développement d'un étage réallumable utilisant le moteur Vinci de Snecma avait été un temps menacé, mais il semble aujourd'hui remis sur les rails. Outre l'augmentation de la charge utile, il permettra - enfin - à l'Europe de disposer d'une capacité de tirs sur des orbites multiples, ce qui allégera considérablement les contraintes calendaires qui sont, à l'heure actuelle, une véritable épine dans le pied d'Arianespace.

On ne peut tout de même que se féliciter que le programme Ariane du futur avance enfin. Si les moyens mis en œuvre ne nous semblent pas toujours en adéquation avec les capacités réelles de l'Europe spatiale, il est important de voir que la France prend comme à son habitude les devants pour ce qui est des lanceurs.

Ceci alors même que la concurrence mondiale devient de plus en plus agressive et compte surpasser les efforts occidentaux dans les prochaines années. La Chine bien évidement sera à surveiller, l'Inde, le Japon et même les Américains, car s'ils ne sont pas encore capables de produire un lanceur de la catégorie d'Ariane, leur suprématie pour ce qui est de l'accès à l'espace est de plus en plus remise en cause, et un rebond pourrait être envisagé.