Le reservoir d hydrogene d un ESC-A en preparation aux Mureaux (credit Astrium)Astrium et Air Liquide viennent de créer une société commune, EuroCryospace, qui aura pour mission de développer les réservoirs cryotechniques pour la nouvelle évolution d’Ariane 5.

Mais l’existence même de cette dernière est toujours menacée par l'Allemagne, qui souhaite sauter cette étape pour passer directement au lanceur de nouvelle génération.

Les spécialistes du froid au service d’Ariane

Dès le tout début du programme de lanceurs européens, Astrium (qui était encore l’Aérospatiale) s’était associé à la Direction des Technologies Avancées (DTA) d’Air Liquide pour le développement et la production des éléments cryotechniques des différents étages.

Sur Ariane 1 à 4, seul le troisième étage utilisait ce type de technologies. Mais pour Ariane 5, l’affaire devenait beaucoup plus complexe, car tout l’étage central fonctionne avec le mélange oxygène/hydrogène liquides. Le maintien à très basse température des quelques 520 000 litres d’ergols de son réservoir (RIE) représente alors un réel challenge. En 2002, l’ajout du nouvel étage supérieur ESC-A, utilisant la même technologie, complexifie encore le processus.

Des techniciens de Cryospace et d Astrium devant un EPC aux Mureaux (credit Capcomespace)C’est précisément en vue de la production d’Ariane 5 qu’Astrium et la DTA avait créé en mars 1988 un Groupement d’Intérêt Economique (GIE) appelé Cryospace (détenu à 55% par Air Liquide, et à 45% par Astrium). Un GIE, c’est une organisation à mi-chemin entre une association et une société.

Cryospace a construit avec Astrium le Site d’Intégration Lanceurs (SIL) des Mureaux, près de Paris, où les étages d’Ariane 5 sont fabriqués avant d’être expédiés à Kourou par les bateaux Colibri et Toucan de la Maritime Nantaise (MN). Quand la production de l’ESC-A a commencé, le site des Mureaux a pris en charge le réservoir d’hydrogène, mais le réservoir d’oxygène est quant à lui construit sur le site Air Liquide de Sassenage, en Isère.

Du nouveau pour Ariane 5 ME

A la dernière grande Conférence Ministérielle de l’ESA, en novembre 2008, les partenaires se sont engagés dans la phase de prédéveloppement d’une nouvelle version d’Ariane 5, appelée ME pour Mid-Life Evolution. Ariane 5 ME diffère de la version précédente par son étage supérieur, qui est beaucoup plus puissant et – surtout – réallumable.

Lors de cette fameuse Ministérielle de 2008, le programme avait été accueilli avec un certain engouement : 355M€ avaient été investis, alors que seulement 340M€ étaient demandés !

Le CNES et Air Liquide avaient alors lancé le programme HX visant à défricher les technologies dans le domaine cryotechnique qui seront nécessaires pour le nouvel étage d’Ariane 5 ME. La maîtrise du réallumage en apesanteur d’un moteur cryotechnique est en effet extrêmement complexe. Pour les besoins du programme HX, Cryospace a construit un banc d’essais dédié sur le site de Sassenage.

Le banc d essais HXG a Sassenage (credit Air Liquide)Mais la R&T ne fait pas tout. Une fois les deux phases de HX terminées, il faudra penser à la production du nouvel étage. Cryospace est un GIE, c'est-à-dire qu’elle a été créée dans un but bien précis. Pour développer un nouvel étage, et un nouveau site de production, il fallait créer un nouveau GIE.

C’est chose faite depuis le 12 mars dernier, jour où Astrium et Air Liquide ont annoncé la création d’EuroCryospace. Dédié à 100% à l’étage supérieur d’Ariane 5 ME, ce GIE devrait implanter son site de production à Brême, en Allemagne.

Le terrain a été acheté en décembre 2011, et le nouveau site, qui emploiera quarante personnes, devrait être opérationnel à la mi-2013. Les premiers réservoirs sortiraient de la chaîne de production en 2014.

Une annonce trop précoce ?

Il y a toutefois une ombre de taille à ce magnifique tableau. Si la phase de prédéveloppement d’Ariane 5 ME avait, comme on l’a dit, suscité un certain engouement en 2008, tout a changé depuis !

Depuis 2009, la France a commencé les études pour un successeur à Ariane 5, le NGL, surnommé « Ariane 6 ». Elle souhaite y passer directement, sans transiter par la case Ariane 5 ME. Tout le programme est donc menacé, et il faut attendre la fin de l’année pour qu’une décision soit prise.

L'Allemagne, où serait construit la majeure partie du nouvel étage supérieur, est au contraire très favorable à Ariane 5 ME. La compagnie franco-allemande Astrium, tiraillée par les deux côtés du Rhin, a récemment déclaré par la voix de son PDG, François Auque, que ne pas développer Ariane 5 ME serait "un crime"...