Alors que sur le dossier de l’A350 XWB, nous avons pu remarquer que Boeing avait ouvert le feu avec une nouvelle génération d’appareils représentée par le B787 Dreamliner, Airbus a désormais lancé la sienne, symbolisée par l’A380. Le très gros porteur devient aujourd’hui le symbole d’une industrie aéronautique européenne qui voit parfois les choses en grand. Mais attention, Boeing n’entend pas en rester là avec le lancement d'une nouvelle génération de B747.

F comme Freighter ou I comme Intercontinental, voici les noms de guerre qui viennent se placer face à l'A380. On connait l'envie des Américains de reléguer les Européens au second rôle, et cette nouvelle génération du mythique 747 s'inscrit dans cette démarche. Si l'appareil n'a plus la plus grande envergure face aux deux ponts de l'A380, il veut continuer de dominer le marché des gros porteurs. Ainsi, c'est un match au sommet qu'il nous est donné d'observer.

Limiter le succès de l'A380.

Chez Boeing plus qu'ailleurs, on est très bien placé pour savoir qu'Airbus, filiale d'EADS, ne peut pas rater son programme A380. Un programme ambitieux qui pâtit heureusement pour les Américains des faiblesses européennes. Pourtant, l'optimisme est de mise sur le Vieux Continent. Après avoir fait planer le doute, EADS estime être en mesure de produire une vingtaine d'exemplaires cette année. Ceci alors que la filiale du groupe pense pouvoir enregistrer 20 nouvelles commandes d'A380 en 2010. Pour John Leahy, directeur général adjoint d'Airbus : « Avec 27 A380 en service à travers le monde, les compagnies qui n'en sont pas équipées commencent à en ressentir les effets sur leurs parts de marché. Elles vont devoir reconsidérer leurs positions, sous peine de perdre une partie de leur trafic ».

Un temps, Boeing a pu souffler après l'annonce faite par Louis Gallois annonçant une stagnation des ventes d'A380 pour les dix-huit mois à venir. Un répit de courte durée alors qu'un vent d'optimisme souffle actuellement en Europe. Parallèlement, Boeing pourra se rassurer en se rappelant des difficultés de production d'Airbus. Malaysia Airlines a indiqué que la livraison de son premier A380 avait de nouveau été reportée. Prévue pour janvier puis août 2011, elle est à présent fixée au premier semestre 2012. La compagnie malaisienne en attend six exemplaires.

Cependant, le seuil de rentabilité de l'A380 devrait être atteint d'ici cinq ans. Compte tenu des difficultés dans sa production et un taux de change euro-dollars défavorable, cette date a été reportée à plusieurs reprises. Malgré tout, elle pourrait être finalement atteinte plus rapidement encore grâce au récent ajustement des deux monnaies européenne et américaine. Une bonne partie de la production de l'A380 est calculée en dollars pour cet avion, vendu sous l'égide de cette même monnaie.

Ainsi, pour contrer la montée en puissance du géant européen, Boeing doit réagir. Outre la renaissance attendue de sa gamme de B737, la naissance dans la douleur de son B787 Dreamliner, l'avionneur américain remet au goût du jour son fameux B747. Si l'A380 est critiqué, c'est peut-être parfois pour sa démesure qui fait peur à certaines compagnies. Et pourtant, le temps que Boeing arrive avec son nouveau B747, l'A380 a encore le temps de prouver son extraordinaire efficacité.

Les Boeing 747-8F et 747-8I à l'assaut.

Au début de ce mois de février, le 8 février exactement, le guerrier B747-8F a pris son premier envol depuis Paine Field. Repoussé à deux reprises, le vol d'essai aura été long puisqu'il aura duré 3h37. Il aura eu lieu à une date symbolique : un jour avant le 41ème anniversaire du premier vol du premier B747. D'après son pilote Mark Feuerstein, il se serait aussi bien comporté qu'un B747-400. Equipé de réacteurs GEnx-2B de General Electric, il a atteint une altitude de 17 000 pieds (5 181m) et une vitesse de 230 nœuds (426km/h).

Au total, l'appareil et deux de ses comparses devront suivre un programme d'essai de 3 700 heures de vol à Moses Lake (Washington) et à Palmdale (Californie). Le 11 mars, le nouvel appareil avait passé et réussi ses essais initiaux d'aptitude au vol.

Le B747-8F est plus long de 5,6m que le B747-400F, son prédécesseur sur lequel il se base. Il a enregistré des commandes pour 76 exemplaires. Le premier B747-8F doit rejoindre la flotte de Cargolux au quatrième trimestre 2010. En effet, l'appareil est destiné aux opérateurs de fret, qui constituent les deux tiers du marché.

Le B747-8 Intercontinental, la version PAX face à l'A380.

Côté transport de passagers, c'est le B747-8I pour Intercontinental qui devrait faire la jonction face à l'A380. Commandé à 31 exemplaires, la version de passage devrait rejoindre la flotte de son client de lancement Lufthansa fin 2011. Reste à savoir si l'appareil pourra démontrer de la pertinence de ses évolutions face au très gros porteur européen qui, lui, se révèle encore plus efficace que prévu. Reste que cette nouvelle version fera de toute façon de l'ombre à l'A380 sur un marché qui ne présente pas énormément de commandes potentielles.

Lancé en novembre 2005, le programme a lui aussi pris beaucoup de retard. Initialement prévu pour une première livraison au quatrième trimestre 2009, elle est aujourd'hui repoussée au quatrième trimestre 2010. Boeing a inscrit une charge de 1 milliard de dollars liée au 747-8 au troisième trimestre en raison de coûts de production élevés et de conditions de marché rudes. Boeing a, comme nous le disions, 108 commandes pour cet appareil, 76 pour la version cargo et 32 pour la version passagers, et ce pour seulement deux clients : Lufthansa (20 avions) et Korean Air. Le prix catalogue varie de 293 à 308 millions de dollars.

Le Boeing 747-8 est équipé de nouveau moteurs et d'une voilure redessinée. Du coup, Boeing affirme qu'il est plus économe en carburant et en charges d'exploitation que l'A380. Des éléments qu’il faudra confirmer alors que l’avion d'Airbus remporte actuellement la palme de l’économie avec une consommation de seulement 2,73 litres de kérosène par passager aux 100km. Pour l’instant, un Boeing 747 en consomme en moyenne 30% de plus.

Au début du mois, Boeing a lancé l’assemblage du premier exemplaire du B747-8I. L’appareil qui pourra transporter 467 passagers soit, 51 de plus que le B747-400, confirme ainsi sa possible première livraison pour la fin de 2011. Reste à savoir s’il sera à la hauteur. En tout cas, Lufthansa sera bien placée pour comparer les deux appareils.

Michael Colaone.