Aeroplans - RAAF A330MRTT KC-30A avec perche ARBS (Credits Airbus Military)Analyse – Pour la conquête du contrat des ravitailleurs devant équiper l’armée de l’air américaine (USAF), EADS et Boeing s’affrontent depuis des années. Les deux géants mondiaux jouent gros pour ce méga contrat pouvant représenter jusqu'à 50 milliards de dollars (36 milliards d'euros). Quel que soit le vainqueur, cela laissera des traces durables. Et pourtant, plus le dossier avance et plus on en vient à se dire que celui qui a le plus à perdre est Boeing. Certains iront même jusqu'à dire que le jeu d'EADS ne vise qu'à réduire les marges que Boeing pourra appliquer lors de l'obtention gagnée d'avance de ce contrat voir même, de vendre à perte.

 

 


Dans un dossier où la politique joue un rôle majeur, Boeing essuie en tout cas un nouveau revers. La poussée républicaine au Congrès après les élections de mi-mandat aux Etats-Unis remet en cause des choix de lobbying ciblés quant aux hommes et aux femmes politiques qui jouent un rôle dans cette affaire. Un des principaux enjeux pour ces politiciens étant de s'assurer des emplois que créera ce projet dans leur circonscription.

Aeroplans - Ravitaillement de nuit pour un Boeing KC767 japonaisCôté républicain, toute notre attention se porte vers Norman Dicks, l'un des partisans les plus fidèles de Boeing, qui va perdre la présidence de la sous-commission des dépenses de défense à la Chambre des représentants. Ce dernier est l’élu de l’Etat de Washington où justement, Boeing prévoie d’assembler en grande partie son ravitailleur. Norman Dicks avait laissé entendre qu'il s'efforcerait de bloquer le financement pour le modèle concurrent d'EADS en cas de sélection de ce dernier par l'armée de l'air américaine. Un parti pris qui faisait les affaires de Boeing alors que maintenant, trois représentants républicains sont susceptibles de lui succéder et aucun "n'affiche de préférence, dans un sens comme dans l'autre, dans l'appel d'offres pour les ravitailleurs", a déclaré Scott Hamilton, directeur général de Leeham Co LLC, une agence de conseil spécialisée dans l'aéronautique" cité par Les Echos.

Du côté européen, EADS prévoit d’assembler ses avions dans l’Alabama, dans le sud du pays. Une perspective qui ravit les élus locaux alors que ces régions souffrent de la situation économique globale. Or, la plupart des élus proches de l’Alabama sont justement des Républicains. Un camp politique qui se voudrait plus en faveur d’une « juste compétition » allant au-delà d’une solution nationaliste aveugle. Mais pas de victoire donnée d’avance même si les analystes nord-américains convergent plutôt vers un avantage donné au consortium européen.

Enfin, dernière bonne nouvelle pour EADS, la sous-commission de la Chambre des représentants devrait avoir d’autres priorités que celle de faire voter une législation imposant au département de la défense d’augmenter le prix des produits européens en fonction du montant reçu par les entreprises du vieux continent au titre de subventions publiques. Un nouveau revers pour les lobbyistes de Boeing dans le cas d’une sélection de l’offre européenne pour le Pentagone.

Aeroplans - A330-MRTT avec des Eurofighters et des Tornados en Arabie Saoudite (Credits Airbus Military)En attendant que cette situation se décante, EADS et Boeing doivent d’abord convaincre le Pentagone. C’est avant tout chez le client que se jouera l’avenir de ce qui pourrait être une entrée fracassante d’EADS sur le marché nord-américain, de loin le plus juteux du monde. Les KC-135 ont aujourd’hui une moyenne d’âge de 50 ans et le besoin est assurément pressant pour les remplacer. Surtout quand on se rappelle que c’est déjà le troisième appel d’offres qui a lieu à ce sujet.

Pour finir, nous reviendront sur les mouvements qu’opèrent les deux géants industriels de manière plus globale. Les deux acteurs doivent faire face aux réductions des budgets de défense notamment sur leurs propres terrains naturels. Ceci les obligent à plus s’internationaliser et parfois à augmenter leurs offensives concurrentielles entre eux. Aux Etats-Unis, Boeing doit ainsi continuer d’assoir sa position face à EADS mais doit aussi trouver de nouveaux vecteurs de croissance alors que le retrait des forces en Irak réduit lui-aussi les budgets dans ce pays. D’ailleurs, Boeing concentre ses activités de défense qui représentent tout de même la moitié de ses revenus annuels.

Côté européen, EADS change sa chartre graphique pour se donner une meilleure visibilité sur la scène internationale. C’est d’ailleurs EADS Defense and Security qui subit le plus de changements en devenant Cassidian. Un choix discutable mais visant à sortir de la mainmise franco-allemande sur le groupe vers une vision plus mondiale dont le mot d’ordre est « Defending World Security ». Mais est-ce vraiment la priorité ? Le ministère français de la défense n’a de cesse de tirer la sonnette d’alarme quant à un possible décrochage stratégique de l’Europe si elle ne se décidait pas de se reprendre en main.

Enfin, EADS et Boeing annoncent s'attendre à un éventuel report de la décision du Pentagone pour 2011.

Aeroplans - Branding EADS