{jcomments on}Boeing_P8_poseidonAlors que Boeing a lancé en février la production en série de son P-8A Poséidon destiné à l’US Navy, EADS maintient sa stratégie de développer ses activités de défense. L’un des projets du groupe Européen qui pourrait peser dans l’avenir de ce secteur est sans nul doute le futur A319 MPA d’Airbus Military, qui a déjà remporté de très beaux succès avec les versions maritimes des C295 et C235.

Les 2 futurs avions de patrouilles maritimes, tous deux dérivés d’appareils commerciaux, devraient radicalement changer la façon de procéder des équipages.

 

 

Lockheed_P-3_Orion_035Opérer plus haut et plus vite

La première tranche de l’avion américain prévoit la production de 6 premiers exemplaires de série. Ceux-ci  devraient bénéficier d’une première capacité opérationnelle en 2013. Le contrat de 1,6 milliards de dollars comprend le financement des six P-8A Poséidon, de pièces, de prestations logistiques et d'entraînement, mais celui-ci sera suivi d’acquisitions futures puisque l’US Navy prévoit de s’équiper de 117 de ces appareils afin de remplacer le vénérable P-3 Orion.

D’un point de vue plus techniques le patrouilleur au nom du dieu des océans pourra assurer des missions de lutte antinavire et anti-sous-marine, ainsi que la surveillance et le contrôle de grands espaces maritimes. Il mettra en œuvre des missiles air-surface  Harpoon et SLAM-ER ainsi que des torpilles MK50 et MK54  pour la lutte ASM. Le Poséidon a la particularité de disposer d’une soute à munitions située très en arrière du fuselage, derrière le train d’atterrissage. Mais le largage d’une seule torpille contrairement à un largage de plusieurs munitions ne devrait pas décentrer  l’appareil significativement et le déséquilibrer.

Les armées américaines fondent l’espoir de réduire les coûts d’acquisition et de maintien opérationnels de leurs avions de surveillance (PATMAR, JSTAR, ISTAR), en les basant sur une seule et même base commune, le 737 de Boeing. A priori les spécialistes américains estiment que la cellule du 737 serait adaptée au milieu de la PATMAR (corrosion, fatigue structurale lors des vols en BA, capacité à tenir des vitesses de patrouille basse).

Mais la principale différence avec son prédécesseur est que leP_8A_over_water Poséidon  est propulsé par des Turbofans CFM-56 alors que l’Orion était équipé de turbopropulseur. Cette différence apporte beaucoup de changement aux missions de patrouille maritime. En effet, cette configuration et  l'évolution des capteurs permettent de patrouiller plus haut, à plus grande vitesse et de prendre plus de recul par rapport au milieu ambiant (ici la mer), ainsi que des menaces de ripostes anti-aériennes de la cible. L’USNavy anticipe le développement  d’un nouveau type de missiles antiaérien qui pourrait être tiré à partir des tubes lance-armes d’un sous marin. Certains armements, comme les torpilles seront dispensés via des kits de planage "diamond back"  pour un atterrissage en douceur, toujours dans un souci de prendre plus de distance par rapport à la cible, en évitant au PATMAR de se dérouter et surtout de descendre en basse altitude.

cots1010sf_lead1_largeConcernant la détection, là aussi on marque une évolution radicale, bien que le largage bouées sonar, la veille optique/infra-rouge et radars peuvent  etre utilisés en haute altitude. ce n'est pas le cas du détecteur d'anomalie magnétique (MAD) qui doit impérativement s’opérer à basse altitude. Problème pallié par la dronisation du capteur. Le Scan Eagle Compressed Carriage, déployé à partir des soutes mêmes du Patmar, devrait jouer ce rôle. Là où le concept reste flou c’est la manière dont va procéder l’appareil pour récupérer son détecteur dronisé. Mais on va encore plus loin avec les possibilités que donne le RQ-4N de Northrop Grumman, établissant un véritable réseau de detection en haute altitude en plus du P-8, pouvant couvrir de très grandes surfaces maritimes grâce à plusieurs systèmes interconnectés.  Le Poséidon devrait donc permettre de couvrir les zones de recherche bien plus rapidement que les Orions.

L’Inde a déjà été séduite par le concept, avec 4 à 8 appareils commandés. Mais à la différence  de l’US Navy, elle ne souhaite pas déporter ses moyens de détection par des UAV. New Delhi souhait doter ses P8-I de MAD intégré dans sa version P8-I.

Si l’A319MPA devrait certainement opérer de la même façon, il n’a néanmoins pas trouvé d’acquéreur pour le moment.

image001Les ATL2 loin d’être à bout de souffle

L’A319 MPA vise clairement le remplacement des P-3 et ATL2. Mais alors que l’on parlait il y a quelques temps de la possible cession de 4 ATL 2 francais aux Emirats Arabes Unis, la vente ne semble plus d’actualité.  L’état major des armées a mis son veto, après l’éminent rôle qu’a joué ces appareils comme plate-forme de renseignements  et de coordination lors de la prise d’otages de ressortissants français en Afrique. Les ATL2 vont bénéficier d’une remise à niveau, notamment une amélioration des capacités en guerre électronique. L’appareil sera de plus en plus mis à contribution pour les forces spéciales et ne devrait pas tirer sa révérence avant encore quelques années, il vient justement de tirer pour la première fois une torpille MU90 de dernière génération lors d’essais en Méditerranée.

31678Il reste à savoir ce que compte faire le Royaume uni qui est dépourvu d’appareil de patrouille maritime depuis le retrait des Nimrods et l’annulation du programme de remplacement.  Ceci fait énormément faute à la Royal Navy ainsi notamment à sa flotte de sous-marins stratégiques. Les avions de PATMAR  font, en effet, partie intégrante du dispositif assurant l'efficacité et la crédibilité de la dissuasion nucléaire. Lors des départs en missions ou des retours de patrouille des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, ils font partie du dispositif destiné à sécuriser l'évolution du SNLE sur le plateau continental, avant que celui-ci ne gagne les grands fonds ou retourne à sa base.

La coopération Franco-britannique pourrait une nouvelle fois opérer. Les marins français pourraient mettre à profit leurs appareils pour leurs homologues, de la même façon que la RAF pourrait faire bénéficier de leur future A330 MRTT aux aviateurs français afin de palier le vieillissement du parc de C-135F. Mais pour le moment, les 2 cotés de la manche bien qu’intéressés n’ont exprimé le souhait d'acquérir l’A319MPA.

Airbus Military doit donc prospecter hors de l’Europe. Son plus gros potentiel est raisonnablement le golfe persique,C295 notamment en Arabie Saoudite où les ATL2 en question précédemment donnent le champ libre. Le pays arabe ainsi que son voisin l’Arabie Saoudite souhaitent développer leurs moyens d'écoutes électromagnétiques et de contrôle de leur territoire et espaces maritimes.

Une nouvelle fois on devrait assister au duel Boeing-Airbus, alors que le constructeur de Seattle a pris une longueur d’avance, accordé encore une fois par le marché intérieur américain. On comprend alors l’intérêt d’EADS de percer dans le marché de défense du Pentagone qui sert de véritable tremplin pour tout nouvel appareil. Les 2 PATMAR s’affronteront très certainement pour  prendre place prochainement dans  la Royal Australian Navy, les Forces canadiennes ou  la Marina militare.

 

Arnaud Gonnard