Aeroplans - Dassault RafaleSelon un quotidien brésilien, La Folha do Sao Paulo et différentes sources citées dans la presse française, le dernier rapport d’évaluation remis par l’armée de l’air brésilienne au sujet du renouvellement de sa flotte d’avions de chasse présente ses préférences dans l’ordre suivant : Le Gripen NG arriverait en tête, suivi par le F-18 et enfin par le Rafale. Si on est loin des déclarations politiques de l’année dernière affirmant que l’avion français avait la préférence des Brésiliens, il faut avant tout prendre cette nouvelle avec des pincettes. Influence, ingérence étrangère, partenariats stratégiques, échanges industriels, raisons économiques et j’en passe sont au menu d’une affaire qui nous tient en haleine depuis longtemps et qui n’est pas encore finie.

 

 

Ainsi donc, la Force aérienne brésilienne (FAB) affiche dans son dernier rapport, sa préférence pour le Gripen NG, l’avion du fabricant suédois Saab. On savait que depuis fin novembre, le Gripen avait déjà obtenu un délai supplémentaire pour fournir une offre de dernière minute. Le Ministre de la Défense suédois avait lui-même dirigé la délégation qui s’était rendue à Brasilia. On sait aussi toute l’importance que cet appel d’offre a pour l’industrie aéronautique suédoise. A la suite des difficultés que rencontre le pays, le nombre d’appareils commandés par l’armée de l’air a été vu à la baisse, mettant en jeu la survie même de la filière associée au Gripen. Inutile de dire que l’offre suédoise faite aux Brésiliens devait être intéressante.Aeroplans - Saab Gripen NG

Ainsi, et ce n’est pas nouveau, le Gripen NG présente un prix d'achat et de maintenance plus faible que ses concurrents. Il assurerait aussi davantage de transferts de technologies, explique Folha de Sao Paulo en citant le rapport de l'armée de l'air. A la différence du Rafale, le Gripen NG serait en outre développé en partie en coopération avec le Brésil, souligne l'armée selon le quotidien. Reste que l’avion était déjà annoncé comme non adapté à la topologie et aux besoins des militaires au début de l’appel d’offres. On voit mal comment la situation a pu changer malgré une offre commerciale hors du commun.

De plus, nous avons déjà remarqué dans le passé que les généraux de la FAB ne s’entendent pas avec leur Président. Accusé de forcer la main aux militaires, Lula pourrait subir les foudres de son armée après des déclarations politiques très médiatisées faites autour du Rafale alors même que ce rapport n’était pas terminé. Nous avons également pu remarquer que les forces armées brésiliennes subissaient l’influence américaine, et même suédoise, avec plus d’intensité, alors que le camp français s’est concentré sur le pouvoir politique.

Si influence il y a eu, inutile de dire que cette décision finale peut y être liée. Or, ce copinage américain avec les généraux de la FAB pourrait avoir une limite. Le Président brésilien affirme en tout cas vouloir prendre une décision « politique et stratégique ». Si les Français continuent dans ce sens, ce rapport pourrait finalement ne représenter qu’une information sans aucune importance. Du haut de ses 30 000 pages, il n’est en tout cas pas connu du grand public et beaucoup de gens s’accordent à dire qu’il ne s’agit là que de rumeurs. Cependant, dans la guerre de l’information ce genre d’attaque peut avoir des conséquences désastreuses pour le Rafale. Rappelons que les Américains sont passés maîtres dans cette discipline, qu’ils pratiquent depuis longtemps.

On notera aussi l’amalgame fait entre le camp suédois et le camp américain. Si les liens ne sont pas avérés, ils paraissent pourtant logiques. D’une part, le Gripen est fortement doté de composants américains qui doivent impérativement recevoir l’aval de Washington pour être exportés. Plus qu’un simple fournisseur, l’industrie aéronautique américaine n’a pas pour habitude de laisser faire. Surtout dans un monde où elle souhaite contrôler le marché des avions de chasse. De plus, le Brésil représente l’un des défis majeur de l’Oncle Sam en Amérique Latine. Si cette région a longtemps été sous son influence, aujourd’hui son contrôle lui échappe. Or, le Brésil d’aujourd’hui souhaite devenir la superpuissance locale. Une puissance qui entend bien se démarquer de l’ex-influence américaine, et qui a pour cela choisi la France comme partenaire privilégié pour les questions de Défense. Si un partenariat stratégique entre les deux nations existe déjà, son application demande beaucoup de sang froid et de courage pour une classe politique brésilienne sous le feu ennemi.

Aeroplans - Boeing F/A-18En attendant d’y voir plus clair dans une affaire qui aura déjà fait couler beaucoup d’encre, le Ministre de la Défense brésilien Nelson Jobim a laissé entendre que la décision finale ne serait vraisemblablement pas prise avant avril. Autant dire que d’ici là les joutes informationnelles ont encore le temps de se succéder. Si le choix du Gripen se confirmait, il serait en tout cas étonnant, car l'avion suédois ne possède pas de capaictés équivalentes à celles du F/A-18 et du Rafale. Dans son désir de devenir une nation dominante en Amérique Latine, le Brésil semble destiné à se doter de l’un des meilleurs avions disponibles. Le rapport de la FAB semble en tout cas mettre en avant des arguments financiers, ce qui favorise le Gripen. Cependant, le rapport n'engage pas les autorités politiques du pays, ce qui pourrait bien être la clé de voute de cette aventure brésilienne.

Michael Colaone.