Aéroplans - Ariane 5 V194 sur le pas de tir de la ZL3 (photo ESA-CNES-Arianespace).Vendredi dernier, la cinquantième Ariane 5 n'a pas pu décoller du Centre Spatial Guyanais en raison, selon Jean-Yves Le Gall, d'un « problème de pressurisation ». Nous allons essayer d'apporter quelques éclairages sur cette affaire.

Introduction au fonctionnement du Vulcain-2.

Le moteur Vulcain-2 d'Ariane 5 ECA fonctionne avec de l'hydrogène liquide (LH2) et de l'oxygène liquide (LOX). Ces deux éléments sont contenus dans d'imposants réservoirs situés dans l'Etage Principal Cryotechnique (EPC).

Pour mettre le moteur en fonctionnement, il faut laisser l'oxygène liquide parvenir dans sa chambre de combustion. Le passage de l'oxygène est régulé par des vannes pneumatiques (VAO, pour vannes d'alimentation en oxygène). Celles-ci autorisent ou non le passage de l'oxygène, suivant si elles sont alimentées ou non en hélium.

L'arrivée d'hélium est, quant à elle, gérée par un Boîtier d'Electrovannes Oxygène (BEVO). Les électrovannes qui constituent le BEVO sont commandées par un signal électrique, et elles permettent d'envoyer le moment venu l'hélium qui actionnera les VAO qui autoriseront l'oxygène à accéder au moteur.

 

 

 

 

Mais d'où vient cet hélium ? Au départ, il est contenu dans les deux Capacités Haute Pression (CHP), sortes de sphères placées à proximité de la tuyère. Dans les CHP, l'hélium est stocké à 350 bars afin de minimiser son volume. Mais il n'est pas utilisable à une telle pression, et il faut le détendre. Cette opération est réalisée par un dispositif appelé Platine de Gonflage Détente (PGD).

Après son passage dans la PGD, l'hélium n'est plus qu'à 70 bars, et il peut donc être envoyé vers le BEVO, puis vers les vannes pneumatiques VAO.

Aéroplans - Schéma simplifié de l'alimentation en oxygène du moteur Vulcain-2 (schéma Nicolas Pillet).

 

L'origine du reportAéroplans -  Le compte à rebours interrompu à 42s vendredi dernier (crédit  Arianespace).

Vendredi dernier, le compte à rebours du Vol 194 a dû être stoppé à H0-42s à cause d'une anomalie sur la Platine de Gonflage Détente, la fameuse PGD. Le détendeur était resté ouvert au maximum, ne permettant pas à la ligne d'hélium d'atteindre la pression nominale de 70 bars, nécessaire au bon fonctionnement des VAO qui permettent d'alimenter le moteur en oxygène.

Heureusement, une soupape de sécurité a permis de couper la ligne d'hélium et ainsi de ne pas endommager le BEVO. Ce sont des capteurs placés entre le détendeur défectueux et cette soupape qui ont détecté le disfonctionnement et provoqué l'arrêt du Temps Décompte.

 

 

Aéroplans - La PGD  (photo Microtecnica).Microtecnica dans le collimateur d'Arianespace

La PGD est construite par un sous-traitant italien de EADS Astrium, la société Microtecnica, basée à Turin et spécialisée dans les systèmes hydrauliques. Microtecnica a notamment développé des systèmes pour l'Eurofighter, le NH90, le M346, le C27J ou encore le module Columbus. Jusque là, personne ne s'était jamais plaint de ses services.

Mais le 9 décembre dernier, le Vol 193 d'Ariane 5, avec le satellite militaire français Hélios-2B, était reporté d'une dizaine de jours à cause d'un disfonctionnement sur un Boîtier d'Electrovannes (BEV), similaire au BEVO que nous avons évoqué plus haut.

Or, il se trouve que les BEV sont également construits par Microtecnica. Le Vol 194, qui est actuellement l'objet de nos préoccupations, a lui aussi été reporté de plusieurs jours (du 26 mars au 9 avril) pour un problème sur un BEV !

 

Le dernier report, celui qui a été causé par la PGD, est donc le Aéroplans - Un BEV  (photo Microtecnica).troisième d'affilée dû à un matériel de Microtecnica. La PGD a été renvoyée en Italie ce mardi 13 avril pour réparations, et le lancement de V194 n'aura pas lieu avant le 25 avril, au mieux.

Pendant ce temps, Arianespace a annoncé publiquement qu'elle lançait un audit qualité destiné à « analyser les raisons des difficultés techniques observées et de proposer des mesures correctives ». Si le nom de Microtecnica n'est pas clairement mentionné, nul doute qu'il est fortement sous-entendu.

Le calendrier 2010 d'Arianespace était déjà très tendu, avec pas moins de sept missions envisagées dont celle de l'ATV-2. Avec un premier lancement décalé à la fin avril, voire au mois de mai, on a du mal à croire que six autres missions pourront être réalisées.

 

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