Aeroplans - Mirage 2000-5 en vol © Dassault Aviation - F. RobineauAnalyse – L’inde fait parti de ces pays que le monde des industriels de défense tente d’appréhender au mieux en vue de grappiller la plus grande part possible de cet immense marché. Dans cette compétition mondiale, la France tente de s’imposer bon grès mal grès une culture du combat économique défaillante.

En Inde, il semblerait que les industriels de l’hexagone marquent tout de même des points grâce notamment à un soutien politique qui semble parfois plus raisonné qu’à l’accoutumée. Nous reviendrons dans cet article sur différents accords de défense signés en 2010. Le sujet principal restant tout de même le contrat de modernisation des Mirage 2000 indiens qui est tombe enfin pour le camp tricolore.

 

 

 

Suite à la récente visite du Président de la République française, Monsieur Nicolas Sarkozy en Inde, la France et l’Inde intensifient leurs relations dans le domaine de la défense. Le contrat MMRCA n'aurait tout de même pas été évoqué. Alors que la première visite du chef de l’Etat se sera faite au pas de course, force est de constater que l’Elysée s’est mieux adaptée à son client et partenaire en prévoyant une visite plus longue et plus attentionnée. Quoi de plus normale vis-à-vis d’un pays qui se positionne comme un vecteur de croissance important pour l’industrie française ?

Développer des liens grâce à différents projets de coopération.

En Inde, la France fait valoir la forte et reconnaissable expérience de sa Marine en favorisant un axe de coopération important, la lutte anti-piraterie et la surveillance maritime. Si les Américains sont déjà sur le pont avec notamment la vente de P-8I Poseidon, les Français font valoir leur expérience dans un pays dont l’exposition à la mer est très importante. Dans le Golfe d’Aden, les deux nations coopèrent depuis 2008 et rien ne remplace une expérience positive entre deux forces armées.

Au-delà, les perspectives industrielles se multiplient. Les deux programmes les plus importants que la France tentent de décrocher sont celui des missiles courte portée surface-air (SR SAM "Maitri" avec le DRDO pour environ 2 milliards d'Euros) et le développement du moteur pour avions baptisé Kaveri évalué lui à 600 million d'Euros. Ce dernier est destiné au fameux Tejas et sera co-développé avec Snecma (SAFRAN).

Dans ces deux domaines, il est particulièrement intéressant de voir le rapprochement qu’opère l’Inde avec la France. Les missiliers ont eut plutôt tendance à observer ces dernières années les Russes, partenaires historique des Indiens, rafler les contrats. Il en va de même dans l’aviation avec des commandes en cours de MiG-29 et de Su-30 sans oublier le développement en commun du chasseur de cinquième génération PAK-FA. Reste que les motoristes russes sont aujourd’hui clairement à la traine et ont certainement d$û arrêter certaines priorités.

L’Inde commencerait-elle à trouver en la France un partenaire stratégique ?

Au-delà des discours, la France peine à s’imposer en Inde malgré les 10 milliards d’euros d’investissements récemment prévus par le ministère de l’Economie et des Finances. Des investissements principalement attendus dans les secteurs bancaires et des assurances. Pour la défense les contrats se multiplient même s’ils s’évaporent souvent avant leur mise en œuvre mais au final, de nombreuses forces vives s’affrontent dans ce pays. Les Russes sont présents depuis de nombreuses années. Par la suite, les Indiens se sont logiquement tournés vers les Américains pour acquérir des technologies de pointe. Les Israéliens trouvent aussi leur place en fonction de leurs savoirs-faires et bien-sûr, l’Europe tente une approche non coordonnée.

Une nouvelle fois, c’est la possibilité offerte par la France de coopérer d’un point de vue technique et industriel qui intéresse particulièrement les Indiens. Lors de la dernière visite de Nicolas Sarkozy, le président indien déclarait : « nous apprécions tout particulièrement l’acceptation de la France à nous fournir du matériel de défense de haute technologie dans un sens qui favorise aussi le développement de notre propre industrie de défense. »

Dans le domaine de l’aviation, les choses sont tout à fait caractéristiques de cette compétition exacerbée. Au-delà du MMRCA, ce gros contrat visant à doter l’Inde de 126 avions de combat de nouvelle génération budgétisé à hauteur de 10,5 milliards de dollars, l’Inde négociait depuis des années la modernisation d’une flotte de Mirage 2000 acquise en 1982.

Aeroplans - Chaîne d'assemblage final des Mirage 2000-5 Grèce dans l'établissement de Dassault Aviation à Bordeaux-Mérignac © Dassault Aviation - S. Randé L’affaire des Mirage 2000H indiens enfin réglée.

L’Inde a commandé en octobre 1982 une flotte de 46 Mirage 2000EH ainsi que 13 Mirage 2000TH biplaces afin d’assurer des missions de supériorité aériennes et de prendre la relève de ses MiG-21. Depuis septembre 1984, le premier Mirage aux couleurs de l’IAF a pris l’air et depuis, le bilan semble tout à fait correcte pour un chasseur français dont la réputation n’est plus à faire.

Si nous nous faisions déjà l’écho d’une affaire comme seule sait les inventer l’industrie française, nous résumerons la situation en disant que Thales et Dassault se sont retrouvés en concurrence en Inde. Cette situation nous a menés à des années de négociations avec les officiels indiens pour savoir qui tirerait le plus de marrons du feu. Thales fourni l’avionique du Mirage 2000 et est le plus concerné par le contrat de modernisation de la flotte indienne. Cependant, si Thales est évidement impliquéAeroplans - Mirage 2000-01 lors de son premier vol à Istres, le 10 mars 1978 © Dassault Aviation - DR dans le GIE Rafale, Dassault favorisait la vente de son Rafale dans le cadre du dossier MMRCA ou alors, la vente de Mirage 2000-9 d’occasion de manière à débloquer d’autres contrats Rafale, ceux des Emirats arabe unis et du Brésil. Or, il semblerait que personne n’ait été capable de trouver un accord du point de vue industriel. Une situation devenue intolérable pour l’Elysée qui aurait tapé du point sur la table une bonne fois pour toute. Claude Guéant convoquera d’ailleurs les deux patrons de Dassault et Thales pour des entretiens particuliers au cours desquels il les enjoindra à œuvrer et faciliter la signature de ce contrat. Une affaire qui assurera une belle réputation aux industriels français en Inde.

Aujourd’hui, Thales aurait remporté le gros lot et devrait signer au printemps ce contrat tant attendu. Au menu des réjouissances, un contrat évalué à 2,2 milliards de dollars pour doter les 51 Mirage 2000 d’une meilleure capacité d’emport en carburant mais aussi d’autres équipements. L’armement va évoluer avec quelques 900 millions d’euros de contrat pour MBDA qui livrera des MICA-EM et MICA-IR. Un nouveau système de gestion EMTI seraAeroplans - Patrouille de quatre Mirage 2000-9 biplace (Emirats Arabes Unis) © Dassault Aviation - F. Robineau lui aussi livré avec des radars RDY et de nouvelles contre-mesures électroniques du type ICMS Mk III. Les Mirage 2000H vont ainsi passer au standard -5 dans les prochaines années (les deux premiers avions seront livrés par Thales sous 40 mois, autant par HAL). Une opération réalisée en coopération avec DPSU Hindustan Aeronautics Limited qui a demandé à moderniser 47 des 51 Mirage concernés.

Ce contrat est une bonne nouvelle pour l’électronicien français qui est loin d’être en grande forme. Dans un environnement social difficile et un management complètement déboussolé, l’annonce d’une bonne nouvelle est toujours la bienvenue. Cependant, on espère que cette décision qui semble avoir été poussée par l’Elysée n’aura pas des effets positifs que sur le court terme en occultant des vues plus globales. S’il fallait certainement mettre un terme à une situation burlesque dans un pays au fort potentiel commercial, les avertissements de Dassault sont clairs. L’avionneur français qui place le Rafale au sommet de ses priorités ne souhaite pas que la mise à niveau de ces Mirage 2000 vienne contrecarrer des ventes potentielles de Rafale. Reste effectivement que le chasseur français fait figure d’outsider en Inde face notamment à l’Eurofighter qui pourrait bien remporter la timbale.

Les Mirage français toujours au sommet.

Si le Rafale remplace au fur et à mesure les différentes composantes de la force aérienne française, les Mirage 2000 continuent d’évoluer et d’être déployés en France comme à l’étranger. Trois Mirage 2000 C/RDI ont par exemple remplacés quatre Mirage F1 du détachement « chasse » des Eléments français au Tchad (EFT) au cours de l’année 2010.

 

Autrement, du 3 au 7 mai 2010, sur la base aérienne de Dijon, un Mirage 2000-5 a passé, avec succès, son premier examen de navigabilité. Ce premier contrôle débute le processus de certification des 34 Mirage 2000-5 dans l’armée de l’Air. Un processus qu’on risque de ne pas voir appliquer à d’autres appareils alors que les nécessités de rigueur budgétaire ont tiré un trait, espéré temporaire, pour cette mise à niveau. Les appareils indiens au standard -5 seront alors plus évolués que la plupart des chasseurs français. Ceci sans revenir sur la supériorité technologique des Mirage 2000-9 émiriens. Ironie du sort, ce contrat indien permettra d’entretenir des savoir faire que nous espérons voir appliqués aux appareils français. Ceci alors que la production même du Mirage 2000 avait été stoppée suite à l’abandon français pour vendre plus d’appareils en Inde.