Aeroplans - Rafale M pendant CDG7, la septième campagne sur le porte-avions Charles-de-Gaulle © Dassault Aviation - V. Almansa Nous vous parlons régulièrement d’un des plus gros appels d’offres du moment dans le domaine de l’aviation militaire, le MMRCA indien. Pour l’Inde, il s’agit de renouveler une flotte de chasseurs hétéroclite vers des avions modernes.

Mais comme nous le savons, un autre appel d’offres, moins médiatique est aussi en cours. Il concerne les Mirage 2000 actuellement en service dans l’armée de l’air indienne.

Nous verrons que la vente de Rafale commence à empiéter sur la mise à niveau des Mirage. Les stocks émiriens et qataris sont eux-aussi concernés par ces tractations.

 

 

Dans la vente des Rafale à l’Inde, c’est Dassault qui tente de vendre son appareil hors de nos frontières. De l’autre, c’est l’électronicien Thales qui concoure contre l’israélien Elbit Systems pour remporter le contrat de modernisation de la flotte de Mirage 2000 indiens. Si la guerre n’est pas ouverte, c’est un conflit larvé qui se trame actuellement dans le pays entre les deux entreprises françaises. Une situation qui ne nous rappelle que des mauvais souvenirs.

Résumer de l’appel d’offre sur les Mirage 2000.Aeroplans - Mirage 2000 en vol © Dassault Aviation - F. Robineau

Si pour ce contrat, Thales ne concours pas pour la vente 126 avions de type Rafale, il en va de la rénovation de la cinquantaine de Mirage 2000H en service dans les forces aériennes indiennes. Ces négociations sont en-cours depuis des années et l’électronicien pensait enfin voir le bout du tunnel.

En jeu, un contrat exclusif qui engagerait les industriels français, menés par Thales et la DGA, pendant quarante ans. Le montant de cet accord est évalué à 1,4 milliard d’euros. Mais une fois de plus, c’est le prix qui fait débat. Il serait en effet 30% plus cher que ce que souhaite débourser l’Indian Air Force.

Alors que l’Inde a souhaité un appel d’offres unique en direction de Thales et de ses alliés, les couacs entre Thales et Dassault invitent les entreprises israéliennes à entrer dans le jeu. Elbit Systems est actuellement en train de tenter de ravir cet alléchant contrat aux Français.

Aeroplans - Petafs installant une arme sous un Mirage 2000D © Alex Paringaux Pourquoi ça coince avec Dassault.

Si Thales vise le « retrofit » de la flotte de Mirage 2000 existante, Dassault souhaite écouler un maximum de Rafale. Ainsi, l’avionneur français aurait judicieusement orchestré une proposition faite par les armées de l’air des Emirats arabes unis et du Qatar. En effet, ces deux forces aériennes auraient officiellement proposé à New Delhi de se portée acquéreuse de leurs Mirage 2000.

Les Emirats arabes unis possèdent 68 appareils dont une grande majorité de Mirage 2000-9. La version la plus évoluée de la série ne vole actuellement que dans ce pays. Au Qatar, ce sont douze Mirage 2000-5 qui pourraient prendre la direction des cieux indiens.

Dans ces deux cas, Dassault compte sur la vente des Mirage d’occasions pour débloquer des ventes de Rafale. Depuis quelques mois nous savons que c’est un point crucial des négociations avec Abu Dhabi. Nous Aeroplans - Mirage 2000-5 Mk2 en vol © Dassault Aviation -  F. Robineau savons aussi que le Qatar souhaite calquer sa stratégie sur celle des Emirats. Ces Mirages sont d’ailleurs aussi pressentis pour aller voler au Brésil. Pour remporter son contrat brésilien, Dassault pourrait fournir Brasilia en Mirage 2000 histoire de faire patienter les militaires.

Or, si l’Inde achète de nouveaux Mirage, elle ne remettra pas en état les anciens. D’où le conflit qui se trame entre les deux entreprises. A noter que maintenant, Dassault est l’actionnaire de référence chez Thales.

Dégager des priorités sans assombrir l’avenir.

Pour Thales qui négocie depuis des années ce contrat de « retrofit » des Mirage 2000H, ce serait évidement une perte de temps et d’argent magistrale si Dassault arrivait à ses fins. Cependant, l’électronicien qui fait parti du GIE Rafale (Groupement d’Intérêt Economique) va devoir faire face à des pressions internes liées à la position dominante de Dassault. Mais aussi à son intérêt à ce que le Rafale se vende. Dans les deux cas, les contrats sont exclusifs.Aeroplans - Maintenance mécanique en escadron de chasse :  ici travail des motoristes sur les réacteurs M53 d'un Mirage 2000 C. La  complexité des avions de combat se traduit par l'emploi de nombreux  spécialistes aidés par un outillage de pointe très spécifique. Chaque  année, l'escadron 2/5 effectue environ 75 000 heures de maintenance sur  les 24 avions de l'unité © Alex Paringaux

Chez Thales, on affirme ne pas vouloir baisser les bras. Mais ce bras de fer fratricide peut malheureusement tourner court. On se souvient de différentes affaires, dont celle de la vente de Rafale au Maroc où les équipes françaises avaient fait échouer des négociations pourtant exclusives avec les autorités du pays.

Au-delà des équipes privées, c’est la diplomatie française qui se retrouve en porte-à-faux. D’un côté, les services de l’ambassade de France à New Delhi se mobilisent depuis des années pour tenter de décrocher un contrat pour Thales. Une lutte qui se fait alors qu’Elbit Systems tente coute que coute de lui voler ce contrat de 1,4 milliard d’euros. D’un autre côté, Dassault tente aujourd’hui d’imposer ces Mirage 2000 émiriens et qataris au mépris des efforts déployés par Thales.

L’ambassadeur de France à New Delhi, Jérôme Bonnafont, s’était inquiété des contradictions de la politique commerciale française auprès de sa hiérarchie en août dernier. Des avis divergents qui pourraient nuire à tous les efforts français passés ou présents.Aeroplans - Rafale biplace au sol (Istres) équipé du  missile Meteor © Dassault Aviation - V. Almansa

Enfin, il parait clair que New Delhi ne pourra pas lancer des procédures d’acquisition à la fois pour des Mirage 2000 d’occasion et pour un nouvel appareil dans le cadre du MMRCA. Ainsi, Dassault qui semble assez mal placé pour vendre 126 Rafale en Inde, tente de convaincre l’Indian Air Force que l’achat des Mirage émiriens et qataris serait une alternative bon marché à l’achat d’appareils neufs. Les Indiens qui ont budgétisé 10,5 milliards de dollars pour acquérir 126 avions de combat modernes s’en tireraient à bon compte avec une flotte toujours plus homogène et surtout très performante face à ses menaces.

Inutile de dire que le choix de Dassault parait judicieux pour conquérir au mieux un maximum de marchés. Cependant, la mise sous pression de Thales est regrettable. Il n’y a plus qu’à espérer que tout le monde arrivera à trouver un arrangement viable. Ceci sans que cette rivalité n’entrave tous les efforts fournis par les Français dans ce pays clé. Au-delà de ces deux appels d’offres, il faut garder à l’esprit que l’image de la diplomatie française sera déterminante dans tout un tas d’autres contrat d’armement à venir.

Michael Colaone.