Aeroplans - MD-80Dans le milieu des années 1990, l'avionneur américain, aujourd'hui propriété de Boeing, a créé un précédent non négligeable quand on regarde les stratégies mises en place par les occidentaux en Chine. Encore ces dernières années, que ce soit Airbus ou Boeing, tous doivent faire face aux remarques sur cette affaire qui représente bien les risques encourus quand à la production d'aéronefs dans ce pays. Certains ont appris les leçons du passé et restent prudents, d'autres pensent pouvoir faire mieux que leurs prédécesseurs. Retour sur une affaire qui laisse à réfléchir.


Nous sommes dans les années 1990 et c'est en grandes pompes que le Parti communiste chinois et l'avionneur américain McDonnell Douglas annoncent la création d'une ligne de production en Chine. Alors en grande difficulté financière, la firme américaine voit en ce contrat une lueur d'espoir qui pourrait calmer les actionnaires et donner un peu d'air à une entreprise de plus en plus dépassée par ses concurrents Boeing et Airbus, et dont la production de matériel militaire arrive à son terme. Encore indépendant, l'avionneur ne voit alors pas venir la manœuvre subversive des Chinois, et l'administration Clinton cautionne alors l'exportation de savoirs faires stratégiques.

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La manœuvre chinoise ne manque pas de panache. La CATIC (Chinese National Aero-Technology Import and Export Technology), proche de l'armée de libération chinoise prend pour cible une entreprise au fort savoir faire mais qui est à ce moment là aux abois. L'avionneur McDonnell Douglas jouit alors d'une réputation qui n'est plus à faire à la surface du globe mais ses difficultés sont de plus en plus publiques. Les Chinois appâtent alors les Américains en leurs proposant de construire 40 MD-80 et MD-90 pour répondre à la demande des compagnies chinoises pour leurs lignes régionales. Un contrat qui à l'époque était encore plus intéressant qu'il ne le serait aujourd'hui.


Les relations entre McDonnell Douglas et la Chine sont, à ce stade, dignes d'un conte de fées puisque la Chine produisait déjà certains composants pour l'avionneur américain et leurs relations étaient bonnes. Ayant l'habitude de travailler ensemble, les Chinois s'étaient assurés la confiance des Américains qui, de leur côté, ne voyaient plus que leur chance de salut.


Aeroplans - MD-90Seulement, une telle opération était interdite par la législation américaine puisque l'exportation vers un pays étranger des outils nécessaires à la fabrication d'avions était interdite. Un sacré problème pour McDonnell Douglas qui entame alors une opération agressive de lobbying auprès de l'administration Clinton. Une administration qui a toujours mis en avant l'industrie américaine dans le monde et qui ne remarque pas la manœuvre chinoise à venir. Le feu vert arrivera finalement en mars 1994 de Washington et l'usine 85 de Colombus dans l'Ohio sera transférée en Chine.


A ce stade, le constructeur américain, comme les Chinois, remplissent leur part du contrat et les avions sont produits comme convenu. Seulement, les Chinois ne comptaient pas s'arrêter là. Suite à différents problèmes techniques de différentes intensités et à une situation économique de plus en plus difficile pour McDonnell Douglas, les relations entre les deux parties commencent à se dégrader. Et c'est à ce moment là, maintenant que les machines et savoirs faires américains sont en Chine que la stratégie initiale des Chinois se dévoile.


A cette époque, l'armée révolutionnaire de Chine ne sait pas encore produire des avions de chasse, des hélicoptères ou encore des missiles de façon fiable et continue. La technologie apportée par McDonnell Douglas est alors une aubaine pour les chinois. Alors même que l'avionneur américain pensait avoir tout contrôle sur l'utilisation de ces outils de haute technologie, les pires craintes du Pentagone se réalisent et la Chine prend alors le contrôle de ces savoirs faires. Un rapport est alors remonté jusqu'au siège du constructeur et il est très embarrassant : les Chinois auraient commencé la construction de missiles balistiques et de croisière avec ce même matériel exporté depuis Colombus. Une situation difficilement acceptable pour le gouvernement américain qui conclura en 2001 via l'US Commerce Department que McDonnell Douglas n'a pas su protéger une technologie pourtant sensible et aura influencé de manière négative l'administration Clinton sans prendre en compte les réelles intentions chinoises.

Aeroplans - Boeing 717Les conséquences aux Etats-Unis sont encore aujourd'hui perceptibles via ce cas qui fait toujours office de jurisprudence. L'exportation de technologies sensibles est aujourd'hui strictement contrôlée par le gouvernement américain qui refuse dans la plupart des cas l'exportation de cette dernière. Nous l'avons vu précédemment pour le F-22 Raptor, toujours interdit à la vente en dehors des Etats-Unis. Il en est de même aujourd'hui pour Boeing dans sa globalité puisque sur le marché chinois, le constructeur américain reste très prudent.


Dans la récente négociation qui a rassemblé Américains et Chinois pour la production de nouveaux avions au sein de ce qui représente le plus gros marché du monde, Boeing a fait preuve de la plus grande prudence. Le géant de Seattle aurait proposé de produire un modèle dépassé, peut-être le B717 dont la Chine n'a bien-sûr pas voulu. Il semblerait que le spectre du piratage plane sur la Chine, en tout cas c'est a priori la vision de Boeing.


Airbus de son côté à fait un choix différent. On se félicite aujourd'hui de la sortie prochaine du premier Airbus « made in China ». Livré à la Sichuan Airlines, l'appareil est construit dans la zone aéroportuaire de Tianjin dans une usine flambant neuve et classée priorité stratégique nationale chinoise. De plus, rappelons que six usines chinoises fabriquent déjà, pour Airbus, la moitié des pièces (parties d'ailes, d'ailerons, portes etc.) des modèles A319 a A321.


Aeroplans - Airbus ChineL'avionneur européen assure de son côté que toutes les technologies sensibles sont sous contrôle. Les chinois n'auraient pas accès au « cœur du cœur », ce qui fait finalement des avions occidentaux les appareils les plus avancés du monde. Un esprit paranoïaque verrait une certaine similitude entre ce discours et celui de McDonnell Douglas. Il n'en est rien, assure Airbus, puisque la vraie valeur ajoutée des avions reste fabriquée en Europe. Reste alors à espérer que les Chinois ne soient pas en mesure de comprendre puis de reproduire les composants intégrés à leurs avions (mais fabriqués en Europe).


Rappelons tout de même que les grandes écoles d'ingénieurs spécialisées dans l'aéronautique forment des jeunes chinois en Chine. Une force qui est ensuite recrutée par Airbus en Europe.