Aeroplans - Ligne d'assemblage des RafaleAnalyse - Il y a tout juste une semaine, l'institut suédois d'études stratégiques SIPRI, connu notamment pour ses études sur les marchés de l'armement, a publié un rapport détaillé traitant des tendances du marché des avions de combats dans le monde sur la période 2005 - 2009. Bien qu'en soit il ne révèle aucune information fracassante, il permet d'avoir une vision plus claire de ce marché brassant des milliards de dollars chaque année.

Les avions de combat en tête des transfères d'armement

C'est probablement le point le plus importante de ce rapport: les ventes d'avions de combat représentent à elles seules plus du quart des transfères de systèmes d'armes dans le monde en terme de valeur. Si l'on inclut également les sous systèmes généralement achetés en même temps que les cellules des appareils (radar, systèmes d'autoprotection, réacteurs ou encore armements), cette part monte à Aeroplans - Part des avions de combat dans le volume total de transfères d'armes conventionnelles dans le monde entre 2005 et 2009 ©SIRPIun tiers du total du montant des ventes. Et encore, la définition du terme « avion de combat » selon le SIPRI est très restreinte. De ce fait, elle n'inclue pas les avions légers tels que le Hawk britannique ou les appareils de la gamme Pilatus qui, bien que leur rôle premier soit l'entraînement, peuvent être équipés d'armements.

Néanmoins, cette prédominance des systèmes aéronautiques dans les achats d'armements en terme de montant n'a rien de surprenant en soit. En effet, la complexité d'un avion de combat rend celui-ci très couteux à l'achat et à l'exploitation, bien plus que la plupart des autres systèmes d'armes. De plus, ce type d'appareils, de par sa capacité à mener des frappes en profondeur sur un préavis très court, fait parti des produits disponibles à l'exportation qui attirent le plus les clients tels que les dirigeants des nouvelles puissances émergentes. Ceux-ci sont désireux de disposer d'un système capable de bouleverser en leur faveur les équilibres stratégiques au sein d'une région, parfois de manière radicale .

Onze pays producteurs dominés par les États-Unis et la RussieAeroplans - Exportations d'avions de combats comparées au volume total des exportations des 10 plus grands exportateurs d'armes conventionnelles entre 2005 et 2009 © SIPRI

Les avions de combat étant, comme dit précédemment, très complexes, les Etats aptes à en produire forment un club très fermé. Ainsi, ils sont aux nombres de onze, parmi lesquels la Chine, la France, l'Inde, le Japon, la Russie, la Suède et les États-Unis, produisant chacun individuellement un ou plusieurs types d'appareils, ainsi que l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni qui ont mis en place le consortium Eurofighter.

Le SIPRI distingue trois types de pays producteurs. Tout d'abord ceux qui, comme les États-Unis et la Russie, produisent des appareils aussi bien pour l'exportation que pour leurs besoins nationaux. Ce sont ces deux pays qui arrivent en tête des pays producteurs et exportateurs d'avions de combat. Ainsi, sur la période 2005 - 2009, les Etats-Unis auront livré 331 appareils de type F-15E, F-16 C/D et F/A-18 E/F à l'exportation tout en produisant un nombre similaire de F/A-18 E/F et F-22 pour leurs armées. Sur la même période, la Russie a quant à elle exporté 221 avions mais n'en a introduit que très peu au sein de ses propres forces.

Viennent ensuite les pays dont la production est principalement absorbée par les armées nationales. C'est principalement le cas de la Chine, de la France, du Royaume-Uni et de la Suède. Pour la France ceci est particulièrement vrai depuis l'arrêt en 2007 de la production de la série des Mirage 2000 qui connut pourtant un certain succès à l'export. Tel n'est pas le cas son successeur le Rafale qui reste à l'heure actuelle sur de nombreux échecs de par le monde, malgré le marketing décrit par le SIPRI comme agressif du gouvernement français.

Pour finir, la dernière classe de pays regroupent ceux dont la production aussi bien à des fins nationales qu'export est très irrégulière, ce qui est le cas de l'Espagne, de l'Inde ou du Japon.

De la nécessité d'exporterAeroplans - Publicité pour le F-15K de Boeing lors de la compétition en Corée du Sud

Cependant, les ventes à l'exportation sont de plus en plus importantes pour les pays producteurs, notamment pour les plus petits tels que la France ou la Suède qui voient leur budget dédié à la défense diminuer d'année en année . Les avions de combat de nouvelle génération gagnent en effet de plus en plus en complexité et nécessitent par conséquent des investissements lourds, que ce soit pour la recherche en amont ou pour le maintien de toutes les compétences (aéronautique, moteurs, systèmes électroniques,...) nécessaires à leur production. Pour ces pays, la production nationale ne suffit plus à compenser les coûts d'investissement et d'achat consentis sur des décennies. D'où la nécessité pour eux de trouver des clients exports à grand coup de marketing, de visites de hauts responsables, de crédits à taux préférentiels ou encore en délocalisant une partie de la production dans le pays acheteur.

Aeroplans - Importations d'avions de combat sur le total du volume des importations des 10 plus grands importateurs d'armes conventionnelles entre 2005 et 2009 © SIPRIL'Inde, les Emirats Arabes Unis et Israël comme clients de choix

Si les Etats-Unis et la Russie dominent le marché en tant qu'exportateurs, ceux sont l'Inde, les Emirats Arabes Unis (EAU) et Israël qui sont les principaux importateurs d'avions de combat et des équipements associés. Pour ces trois pays, la part des appareils dans le volume total des importations d'armement dépasse allégrement les 50% avec un pic à environ 80% pour Israël. Pour ce dernier ainsi que pour l'Inde, il est aisé d'expliquer cette prédominance sur les autres systèmes d'armes une fois de plus par la complexité des avions de combat. En effet, les deux pays sont tous les deux grands producteurs d'armements tels que chars de combat, véhicules d'infanterie ou encore armes légères, mais ils ne sont pas en mesure de produire des appareils de combat de dernière génération, malgré les efforts de l'Inde en ce sens. Ils se doivent donc d'importer ces derniers afin de préserver leur avance technologique et stratégique sur leurs adversaires respectifs. Les EAU sont eux friands des avions de combat dont ils renouvellent leur flotte très régulièrement, cherchant toujours à obtenir le meilleur appareil disponible tout en requérant par la même occasion des partenariats stratégiques en matière de défense.

Les avions de seconde main, un marché non négligeable

Pour de nombreux pays aux finances plus fébriles, l'achat d'appareils neufs peut se révéler trop coûteux, spécialement en ces temps de restrictions financières. Ils peuvent néanmoins se tourner vers plusieurs forces aériennes qui cherchent à se débarrasser de leurs avions d'ancienne génération jugés désuètes ou qui réduisent leur nombre de voilures, là encore par soucis d'économies. Tel est le cas de la Belgique et des Pays-Bas qui ont récemment placés sur le marché de l'occasion plusieurs dizaines de F-16 MLU ayant été mis à niveau quelques années auparavant et disposant donc de capacités de combat plus que raisonnables et certainement suffisantes pour de nombreuses forces aériennes.

L'Ukraine dispose toujours quant à elle d'un stock important d'appareils d'origine soviétiques qui trouvent principalement preneurs en Afrique. Enfin, on peut également mentionner la possibilité de retrouver prochainement plus de soixante Mirage 2000-9 jugés très performants (l'un d'entre eux aurait virtuellement abattu un F-22 en dogfight) dans le cas où les EAU se décideraient finalement à acheter le Rafale de Dassault. La part des ventes d'avions de second main à l'export n'est pas à négliger puisqu'elle représente pas moins de 26% des transferts d'avions de combat dans le monde entre 2005 et 2009.

Un marché sous haute surveillance

Aeroplans - Eurofigther Typhoon, l'Arabie a fait l'acquisition de 72 de ces appareilsLe but de l'institut SIPRI étant de promouvoir la paix au travers d'une plus grande transparence dans les ventes d'armements, les auteurs se devaient de pointer le pouvoir hautement déstabilisateur que peuvent avoir des avions de combat dans une région crisogène. En effet, comme dit précédemment, ils donnent la possibilité aux dirigeants d'un pays de mener des raids jusqu'au cœur de leurs pays frontaliers, comme ce fut le cas en 2008 avec la Russie attaquant la Géorgie ou encore Israël menant un raid en profondeur du territoire syrien. Ceci est d'autant plus vrai que les appareils sont de plus en plus souvent dotés de systèmes de contre mesures et d'aide à la pénétration ainsi que d'armements aptes à être tirés à distance de sécurité, hors de portée des défenses anti-aériennes. De plus, pour les puissances nucléaires, l'avion de combat représente un vecteur de l'arme plus souple que ne le sont les missiles balistiques. L'Inde et Israël sont toutes deux supposées avoir adapté leurs appareils importés aux missions de frappes nucléaires. Cependant, contrairement aux missiles balistiques, les avions de combat destinés à ces pays ne font pas l'objet de mesure spécifiques de non prolifération, malgré le fait que les deux n'aient pas signé le Traité de Non Prolifération.

C'est en raison de cette capacité à bouleverser les équilibres géostratégiques que les avions de combats sont inclus dans le Registre des Armes Conventionnelles de l'ONU (UNROCA). Les Etats membres de l'ONU se doivent d'alimenter annuellement ce registre en y reportant les importations et exportations de certaines catégories d'armements considérés comme déstabilisateurs. Dans l'UNROCA, les avions de combat côtoient l'artillerie, les missiles, les chars et véhicules blindés, les navires de combat ainsi que les hélicoptères d'attaque.

 

Le rapport du SIPRI est disponible ici au format PDF