Aéroplans - Décollage d'Ariane 5GS avec Hélios-2BLa société Arianespace a récemment présenté son bilan pour l'année 2009. Et il faut bien le dire : il est exceptionnel. Sept lancements d'Ariane 5, c'est une première, et bien sûr tous réussis. Cela fait maintenant sept années que le lanceur européen n'a pas connu d'échec, les trente-cinq derniers vols s'étant déroulés sans incident.

Ces sept missions de 2009 ont permis de lancer dix satellites commerciaux et cinq satellites institutionnels (Herschel et Planck pour l'ESA, Hélios 2B et les deux SPIRALE pour la Défense française. A côté de cela, onze des vingt-deux contrats commerciaux signés en 2009 l'ont été par l'opérateur européen.

Mais regardons ce qui se passe du côté de la concurrence. Jusque là, le marché se partageait entre trois grands acteurs : Arianespace, ILS et Sea Launch. Ce dernier a fait faillite cette année, et il semble peu probable qu'il puisse refaire surface (sans mauvais jeu de mot).

En revanche, les Russes et leur lanceur Proton-M paraissent beaucoup plus menaçants. Tout d'abord, comme nous l'avions déjà souligné sur ce blog, les bilans Arianespace/ILS sont faussés par une différence de taille : les missions institutionnelles de Proton ne sont pas du ressort de l'opérateur commercial qu'est ILS, et les deux concurrents ne jouent donc pas avec les mêmes règles.

 

 

 

Pour faire une comparaison plus juste, retirons les vols institutionnels du bilan d'Arianespace : on ne trouve alors plus que cinq missions, permettant de mettre en orbite dix satellites. ILS, quant à lui, a réalisé sept missions, et a donc placé sept satellites en orbite. L'avantage reste donc bien dans le camp européen, mais plusieurs facteurs sont quelque peu inquiétants.

D'une part, suite à la faillite de Sea Launch, c'est ILS qui a récupéré la majorité des clients. Cela s'explique d'une part par les coûts inférieurs de Proton-M, dus notamment à de bonnes conditions financières mondiales (montée de l'euro et baisse du rouble face au dollar), et d'autre part par la grande souplesse d'emploi de Proton par rapport à Ariane 5.

Le lanceur russe est en effet capable de voler beaucoup plus fréquemment que son concurrent européen (jusqu'à quatorze missions en 2000 !), et ILS a démontré qu'il était capable de mettre un vol sur pieds en très peu de temps. Par exemple, suite à la faillite de Sea Launch, Eutelsat a transféré son satellite W7 chez ILS, qui l'a mis en orbite à peine plus de deux mois plus tard !

Aéroplans - Le lanceur Proton-M d'ILSEt ce n'est pas la seule raison de penser que l'avance d'Arianespace est tout sauf acquise. Frank McKenna, le Président-Directeur général d'ILS, a récemment avancé que, si l'appel d'offre pour les satellites GALILEO avait été plus ouvert, il aurait été capable de remporter le contrat en offrant un coût de lancement inférieur de 66% à celui d'Ariane !

Si ce chiffre semble quelque peu exagéré, il peut quand même faire réfléchir sur la compétitivité de notre lanceur. Et cette question de la compétitivité se posera de plus en plus, car la Chine, la grande inconnue des prochaines années, semble bien décidée à prendre sa part du gâteau, même si les Occidentaux font tout ce qu'ils peuvent pour marginaliser le géant asiatique et ses Longue Marche.

En 2010, ILS prévoit de réaliser huit missions, et Arianespace sept. On peut toutefois avoir quelques craintes sur cette ambition, car l'un des vols d'Ariane 5 devra lancer le deuxième ATV, Johannes Kepler, ce qui risque fort de complexifier le calendrier de fin d'année. De plus, la première mission de 2010 n'aura lieu qu'à la mi-mars, faisant perdre deux précieux mois.

Cette nouvelle année devrait également voir le premier vol de Soyouz-ST, si les Russes se décident à livrer la tour de service. En revanche, il semble irréaliste d'envisager un premier vol de VEGA pour cette année.

Ce rapide bilan montre donc que l'Europe avance, mais qu'elle a du chemin à parcourir ! Félicitations à toutes les équipes (Arianespace, CNES, Astrium, Thales Alenia Space et leurs sous-traitants) qui ont permis à 2009 d'être une si belle année !

Nicolas Pillet.