Aeroplans - Capsule Orion et ISSAnalyse - C’est aujourd’hui, jeudi 21 juillet 2011 à 11h56 heure de Paris, que la navette spatiale Atlantis a atterri pour la dernière fois au Centre Spatial Kennedy en Floride. La NASA, qui s’était reposée pendant 30 ans sur le programme Space Shuttle pour envoyer des Hommes dans l’Espace, se retrouve désormais dans l’incapacité d’assurer cette mission hautement symbolique. Alors que le programme Constellation devait prendre la suite, il fut purement et simplement abandonné il y a un an, plongeant l’Agence Spatiale Américaine dans une période de doutes.

 

Un Plan Stratégique pour sortir de la crise

Afin de mettre fin à celle-ci, la NASA a dévoilé au début de l’année son nouveau Plan Stratégique, qui doit déterminer les objectifs du secteur spatial américain pour les dix années à venir, voir au-delà. Ce plan fait suite à la demande il y a plus d’un an de l’administration Obama de revoir complètement la stratégie de l’Agence Spatiale Américaine décidée par son prédécesseur, George W. Bush Jr. Celui-ci avait en effet demandé aux ingénieurs de la NASA de focaliser toute leur attention sur le programme Constellation, qui prévoyait le retour de l’Homme sur la Lune avant la fin de cette décennie. Cependant, du fait de budgets largement sous-estimés et de l’absence de coopération avec les partenaires internationaux, ce programme fut voué à l’échec et fut rapidement abandonné à l’arrivée de la nouvelle administration. Le Plan Stratégique de la NASA vise donc à définir de nouveaux objectifs, plus réalistes, certains diront plus utiles, en ces temps de crise financière mondiale.

Six grand objectifs

Le document met en avant six objectifs stratégiques que la NASA se doit d’atteindre, et qui feront l’objet de bilans annuels afin de déterminer des progrès vers leur accomplissement. Les deux premiers sont directement liés aux missions que la NASA doit réaliser. Dans ceux-ci, l’accent est mis sur l’exploration de l’Espace proche et lointain, ainsi que sur l’observation de la Terre. Pour le premier, l’Agence Spatiale Américaine met en avant la nécessité de la coopération internationale. C’est la Station Spatiale Internationale (ISS) qui servira de vitrine à cette coopération. En effet, l’ISS, dont la construction débuta en 1998, est le fruit des efforts combinés des agences spatiales américaine, russe, européenne, canadienne et japonaise. Le complexe de 400 tonnes fut achevé cette année avec notamment l’arrivée du module russe MLM (Multipurpose Laboratory Module). Par ailleurs, le dernier vol de la navette STS-135 aura desservi une dernière fois la Station.

L'accent mis sur l'exploration du système solaire

Si la rentabilisation de l’ISS constitue un objectif important pour la NASA, celle-ci compte néanmoins garder l’initiative dans le domaine de l’exploration spatiale habitée. Le président Obama a notamment fait part de sa volonté de lancer aux alentours de 2025 une mission vers un astéroïde, et non vers la Lune, cet objectif ayant déjà été atteint et ne présentant pas un intérêt scientifique majeur dans l'immédiat. Pour se faire, les bureaux d’études de la NASA et des grands industriels du secteur continuent à travailler sur la base de la capsule Orion, issue du programme Constellation. Ce vaisseau devrait pouvoir accueillir jusqu’à 6 astronautes pour des missions en dehors de l’orbite basse.

Les missions automatisées ne sont pas oubliées

Bien que les vols habités soient les missions les plus médiatiques, d’autres programmes d’exploration robotisée sont en cours. Pour donner un exemple, la NASA et l’ESA (l’Agence Spatiale Européenne) travaillent depuis plusieurs années sur le programme ExoMars, qui prévoit notamment l’envoi vers la planète rouge d’un orbiteur équipé d’un atterrisseur en 2016. Par la suite, deux rovers, un Américain et un Européen devraient rejoindre le sol martien en 2018. ExoMars préfigurera (on l’espère) une future mission de retour d’échantillons martiens aux alentours de 2020.

Concernant l’observation de la Terre, la NASA souligne l’importance des moyens spatiaux dans la compréhension des phénomènes liés au réchauffement climatique. Plusieurs satellites doivent être lancés, dont le deuxième exemplaire de l’Orbiting Carbon Observatory, le premier ayant été perdu lors de son lancement en 2009. Les ingénieurs et scientifiques de la NASA se pencheront également sur l’étude du soleil, les origines du système solaire mais aussi sur la recherche d’exoplanètes semblables à la Terre. Là encore les sondes d’exploration joueront un rôle important, que ce soit New Horizons, actuellement en route vers Pluton et la lointaine Ceinture de Kuiper ou encore Juno, qui devrait être lancée cette année vers la géante gazeuse Jupiter. Enfin, le télescope spatial Hubble devrait être remplacé par le James Webb Space Telescope en 2018, programme mené en coopération avec l’ESA et l’Agence Spatiale Canadienne.

Vers la privatisation des vols habités

L’objectif stratégique suivant traite principalement de la nécessité de soutenir la recherche et l’innovation technologique dans le domaine spatial. Ainsi, la NASA souhaite promouvoir la coopération entre les différentes agences gouvernementales et les industriels. Elle compte notamment soutenir les entreprises privées telles que Space X afin d’externaliser les lancements en orbite basse dont les technologies sont maîtrisées. L'Agence pourra ainsi focaliser son attention sur la recherche en amont, nécessaire à l’accomplissement de certains gap technologiques. Suivant ce principe, la desserte de l’ISS devrait être elle aussi externalisée. Space X est là encore en tête avec sa capsule Dragon, qui pourrait emmener jusqu’à 7 astronautes en orbite basse à l’aide du lanceur lourd Falcon 9. Comme dit précédemment, la NASA restera concentrée sur l’envoi d’humains en hors de l’orbite basse, certains domaines et étapes du vol étant bien plus dangereux. C’est notamment le cas de la rentrée dans l’atmosphère, qui s’effectue à des vitesses 50% plus élevées, ou encore de la protection de l’équipage vis-à-vis des flux des particules solaires qui ne seront plus stoppées par le champ magnétique terrestre.

L'Agence Spatiale dans les airs

Quatrième point abordé dans le document, l’intervention de la NASA dans la recherche aéronautique. Ainsi, si l’agence est principalement connue pour son rôle dans le domaine spatial, il ne faut pas oublier que ses bureaux d’études travaillent sur d’importants programmes aéronautique endo-atmosphériques.  Parmi plusieurs projets, on peut citer le rôle de la NASA dans la conception de l’avion de demain, dit « NextGen », qui nécessite là encore des études sur le long terme, hors de portée des industriels. Elle compte également investir plus globalement dans le domaine de la sécurité aérienne.

Le cinquième objectif appelle quant à lui au maintien des capacités critiques indispensables au fonctionnement de la NASA et garantissant aux Etats-Unis un accès indépendant à l’Espace. Là encore les partenariats nationaux, en particulier avec le DoD (Department of Defense), sont mis en avant, dans le but de limiter les risques et de maximiser les chances de succès. Le document souligne aussi la nécessité de disséminer les technologies développée par les centres de recherche de la NASA vers le secteur privé afin de favoriser l’innovation et de préserver les connaissances.

Une volonté d'échange avec les citoyens

Enfin, le sixième et dernier objectif vise à développer la communication de l’Agence Spatiale Américaine vers le grand publique et promouvoir les sciences dans les programmes éducatifs afin de constituer un vivier de futurs ingénieurs et scientifiques. Cette volonté de communiquer peut également être vue comme un moyen de justifier les énormes dépenses consenties dans le domaine spatial. Rappelons que le budget 2011 de la NASA s’élève à 19 Milliards de Dollars. Hors, en pleine crise financière, certains citoyens ne comprennent pas forcément l’intérêt de ces dépenses. D’où la nécessité pour la NASA d’expliquer au grand publique l’utilité de son action dans le bien être quotidien de la Nation. C’est dans ce but que l’Agence Spatiale Américaine souhaite favoriser la transparence vise à vise des résultats de ses missions, ainsi que développer les moyens de communication vers les citoyens. Un gros effort a déjà été fourni en ce sens puisque les grands évènements de l’Agence sont retransmis en direct sur son site via la page NASATV. Son compte Twitter est également très actif et est suivi par plus d'un million d'abonnés. De même, plusieurs de ses missions ont leur propre compte Twitter. De plus, la NASA peut également s’appuyer sur des programmes très populaires tels que Hubble, dont les images spectaculaires ont fait le tour du monde.

Pour conclure, ce document offre une vision pragmatique du futur de la NASA, et lui permet ainsi de sortir de la crise qu’avait constituée l’abandon du programme Constellation un an avant la publication de ce Plan Stratégique. Si les six objectifs et les bugets sont respectés, la décennie qui vient devrait être témoin de belles réussites de la part de la NASA, en coopération avec ses homologues de par le monde.