Aeroplans - Eurofighter Typhoon Depuis les attentats de Bombay, le budget de la Défense indienne a continué d’augmenter. Même si ce dernier est principalement affecté à l’armée de terre (41% des crédits), notamment pour le traitement des salaires et des frais de personnel relatifs à une armée de 1,1 million d’hommes, l’armée de l’air tire son épingle du jeu.

Avec 2,8Md$ de budget, c’est avec sérénité que l’Indian Air Force (IAF) renforce et modernise ses capacités. Face à ses menaces régionales allouant encore plus de budget à leur Défense, puisque la Chine débourse plus de 70Md$ et le Pakistan alloue 3% de son PIB (2,5% du PIB indien en valeur relative), la tache est aussi grande qu’urgente.

Or, à New Delhi se déroule actuellement l’un des plus gros appels d’offres du moment, celui du renouvellement de la flotte indienne, un contrat évalué à 10,4Md$ pour 126 appareils de combat. Dans cette course, c’est désormais EADS qui ferait la course en tête selon un diplomate indien en poste en Italie.

 

Aeroplans - Eurofighter

Le marché indien est par essence un marché compliqué. Pour les Occidentaux, c’est culturellement un casse-tête. Si les besoins sont grands, la concurrence est en plus très farouche. Ceci d’autant plus que les Indiens ne ferment pas de portes à qui veut participer à cet appel d’offres. Avec la réintégration des Américains, la persistance des Russes et le combat fratricide que se livrent les Européens, tous les éléments sont réunis pour faire de ce feuilleton l’un des plus passionnants du moment. Si l’on ajoute à cela que l’issue de ce dernier décidera de la survie de deux des sept constructeurs d’avions actuels, comme Saab le laisse entendre, vous obtiendrez un des plus gros enjeux de ce siècle en termes d’industrie aéronautique de Défense.

En aout de l’année dernière, Boeing avec son F/A-18 avait ouvert le bal des essais en vol pour le compte de l’IAF. L’appareil américain avait alors devancé ses concurrents : les MiG-35 russes, le F-16 de Lockheed Martin, l'Eurofighter d'EADS, BAE, et Finmeccanica, le Gripen de Saab et le Rafale de Dassault, tous en lice pour l’obtention de ce contrat.

La fin des vols d’évaluation est annoncée pour le mois d’avril prochain. Ensuite suivront les délibérations pour une mise en service opérationnelle courant 2013. Or, suivant les déclarations faites par l’ambassadeur d’Inde en Italie, Arif Shahid Khan, l’Eurofighter Typhoon ferait maintenant la course en tête. Il faut dire que l’appareil fabriqué par le consortium européen se donne les moyens de réussir en Inde. On parle notamment d’une nouvelle tuyère vectorielle (TVN) qui pourrait plaire aux Indiens. Ainsi, les deux réacteurs Eurojet EJ200 équipés de cette nouvelle tuyère consommeraient moins, offriraient plus de manœuvrabilité aux pilotes, et confèreraient 8% de puissance supplémentaire en supercroisière.

Aeroplans - MiG-35Pour les Indiens, la tuyère vectorielle n’a rien de nouveau, puisque déjà ses Su-30MK en sont équipés. Outre les gains de puissance et de consommation, les Indiens verront peut-être dans cette avancée un gage de motivation. De plus, on reprochait à l’Eurofighter de ne pas avoir de version navalisable. Or, cette nouvelle tuyère ouvrira la voie à des évolutions sur porte-avions.

Si l’aventure avait déjà été tentée dans le passé, notamment avec le Jaguar français, toutes les tentatives furent des échecs. Les avions, non conçus pour supporter les contraintes d’emploi sur un porte-avions étaient alors fragilisés et s’usaient prématurément. Si l’hypothèse est jugée comme « faisable », elle couterait cependant très cher. Même dans le cas de l’achat de 126 avions, cela ne serait pas rentable sauf si l’avenir même de ce constructeur était en jeu.

De plus, devant l’insistance des Anglais pour développer cette nouvelle version de la TVN de l’Eurofighter, certains se demandent déjà s’il ne s’agit pas tout simplement d’un moyen de pression face au programme JSF, dont le Royaume-Uni est membre et dont les retards et les coûts s’envolent continuellement. Au final, Londres pourrait faire d’une pierre deux coups.

 

Aeroplans - F-16

Du côté des autres concurrents, les Américains auront bien sûr des cartes à jouer. Avec une récente réintégration sur les marchés des hélicoptères de combat, ils sont de nouveau de la partie en Inde. Après avoir été exclus de l’appel d’offres de 1Md$ portant sur l’acquisition de 22 hélicoptères d’attaque et de 15 hélicoptères de transport, Boeing et Bell sont maintenant favoris.

New Delhi veut officiellement accroitre la concurrence, mais Eurocopter et Finmeccanica parlent d’une compétition aux dés pipés en faveur des Américains. En dehors de ça, les Indiens ont également annoncé vouloir acquérir une dizaine de C-17 Globemaster III. Si la production n’était pas arrêtée, Boeing pourrait livrer les premiers appareils dans trois ans. Robert Gates, secrétaire à la Défense, affirme également vouloir faire de New Delhi sa tête de pont pour stabiliser la région.

Enfin, du côté français, la situation n’est pas très encourageante. MBDA est actuellement en mauvaise posture pour le développement d’un missile air-sol dérivé du Mica en coopération avec les Indiens. Un programme industriel évalué entre 1 et 1,5Md$ pour la production de 2 000 exemplaires. Cet engagement serait historiquement le plus gros entre les deux pays en matière d’armement.

Or, la DRDO (la partie du ministère indien qui conçoit les armements) rentre actuellement en conflit avec l’armée qui souhaite un missile tout de suite et opte donc pour une solution existante. Les Israéliens, très en vogue à New Delhi, ne seraient pas étrangers à ce remue-ménage. De son côté, Snecma est également dans l’attente pour les mêmes raisons au sujet du LCA. Ce moteur pour l’avion de combat léger indien est également dans l’attente, car la DRDO et l’armée de l’air n’arrivent pas non plus à se mettre d’accord depuis trois ans.

Aeroplans - Dassault RafaleFaits positifs cependant, les Indiens volent déjà sur des avions français. L’IAF modernise d’ailleurs ses Jaguar vers une nouvelle motorisation. Les turboréacteurs Rolls Royce Turbomeca Adour Mk821 (37,5kN de poussée) et Honeywell F125N (43,8kN) sont en lice pour ce contrat de modernisation. Le but étant de pouvoir tirer le meilleur potentiel de ces avions actuellement sous-motorisés pour les attaques au sol et les missions de pénétration. Les Jaguar sont pour le moment équipés d’Adour Mk811 d’une poussée de 32,5kN.

L’issue de ce combat, même si elle semble aujourd’hui favorable à l’Eurofighter, est encore loin d’être acquise pour les participants. À noter cependant que le russe MiG joue particulièrement gros dans cette affaire. Alors que Moscou favorise Soukhoï, l’avionneur ne voit son futur possible que via les appels d’offres en cours en Inde.

Même si la timbale risque d’être difficile à décrocher sur ce contrat, MiG est en course pour fournir seize MiG-29K pour la marine indienne. Dans le cas où ces dernières opportunités lui échapperaient, ce serait peut-être la fin de l’avionneur mythique.

Michael Colaone.

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