Aeroplans -  Reconnaissance & Surveillance. UAV : WATCHKEEPER ©Elbit Systems

A l’heure où chacun tâtonne en Europe pour définir une politique d’utilisation des drones adéquate, force est de constater que certains avancent plus vite que d’autres. Malgré une situation économique et politique compliquée, le Royaume Uni tire au mieux parti de ses différentes alliances pour développer une composante sans pilote performante.

Alors que l’Europe souhaite trouver son indépendance au niveau des drones, l’exemple anglais mérite que l’on s’y attarde. Souvent taxée d’atlantisme primaire, Londres développe deux des plus grands programmes de drone sur le vieux continent, le MANTIS et le WATCHKEEPER. Deux programmes menés en coopération avec d’autres nations mais toujours sous supervision anglaise.

 

 

 

Retour rapide sur le MANTIS.Aeroplans BAE MANTIS

Le Mantis a été lancé en 2007 notamment par BAE Systems. Le groupe anglais, numéro un mondial de l’armement s’est allié avec Rolls-Royce, QinetiQ, GE Aviation, L3 Wescam, Meggitt, Lola, Raven, Corax et l’Indien Kingfisher pour mener sa barque. Le développement de cet UAS (Unmanned Aircraft Systems) « tout électrique » et turbopropulsé de taille intermédiaire se fait sous le regard et pour le compte du ministère britannique de la défense (MoD).

L’engin a déjà subit des vols de tests. Ce drone MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance) devrait, au-delà de ses missions de maîtrise de l’information sur l’espace de bataille, être dérivé dans une version armée légère. Potentiellement, il serait le premier drone armé européen opérationnel.Aeroplans - BAE MANTIS

Comme nous le disions, ce drone est avant tout britannique. Cela alors que la France est attendue pour y jouer un rôle majeur. Dassault Aviation serait sur les rangs de même que Thales. Implanté en Grande-Bretagne, l’électronicien serait un plus dans la conception des systèmes de l’UAS. Thales qui, comme nous le verrons, coopère déjà largement avec le MoD dans la conception du drone Watchkeeper. En attendant, l’engin prend la voie de l’européanisation. Pour faire face à ses problèmes budgétaires, la Grande Bretagne compte bien répartir la charge au travers d’EADS. Le consortium européen pourrait effectivement reprendre le flambeau puisque 440 millions de livres y ont été injectées. Une belle opération à la fois pour le groupe mais aussi pour certaines nations. Outre la France, l’Espagne et l’Italie ont déjà montré de l’intérêt pour le Mantis.

 

Aeroplans - Thales WatchkeeperLe Mantis est un bel exemple du pragmatisme anglais. Alors que les crédits manquent pour développer ce programme en solo, la Grande Bretagne se tourne vers ses alliés européens. Si le projet continue sur cette voie, il permettra aux armées britanniques d’employer un drone apte aux missions ISTAR (acquisition de renseignements, surveillance, acquisition d’objectifs et reconnaissance) de conception majoritairement anglaise ou au pire, européenne.

Au delà des missions du Mantis, Londres souhaite se doter d’une gamme de drones performante et surtout rapidement disponible. C’est ce que symbolise le Watchkeeper. Drone MALE, il est dévolu aux missions ISTAR. Contrairement à son homologue Mantis, il n’est pas conçu pour emporter de l’armement.

Introduction du drone Watchkeeper annoncé comme le « programme le plus important jamais développé par l’Europe ».

Aeroplans - QinetiQ ZephyrS’il sera prochainement produit au Royaume-Uni par UAV Tactical Systems, on ne peut pas vraiment dire qu’il soit complètement anglais, ou européen. Ce serait un peu comme dire que le Harfang est un drone français. En effet, UAV Tactical Systems (ou U-TacS, basée à Leicester) est une entreprise dont le capital est détenu à 51% par Elbit Systems et à 49% par Thales UK. La société Elbit est elle de nationalité israélienne. Nous connaissons la maîtrise des technologies de drone par les Israéliens. Une nouvelle fois, l’Europe fait appelle à eux pour concevoir ses systèmes du futur.

Au-delà de la participation israélienne, c’est la France qui tire une nouvelle fois son épingle du jeu. On commence à avoir l’habitude de voir les Français coopérer avec Israël ou le Royaume Uni dans ce domaine. Une coopération qui se veut bénéfique pour l’avenir de la maîtrise nationale en la matière. Rappelons alors que Thales est détenu à 27% par l’Etat français et à 25,9% par Dassault Aviation, Aeroplans - H-450 en Iraqce qui en fait les principaux actionnaires. Si la stratégie française ne se dévoile pas clairement, on en retrouve des bribes dans des affaires comme celle-ci.

En dehors de Thales et d’Elbit, on retrouve comme souvent le groupe anglais QinetiQ. Ce fournisseur de services et de conseils agit depuis longtemps sur les marchés de défense. On aura déjà pu noter sa présence dans le programme Mantis mentionné ci-dessus. A noter enfin que le groupe développe son propre drone. Le Zephyr est un drone ultraléger et longue distance fonctionnant à l’énergie solaire. Une technologie qui pourrait bien être un des principaux axes d’innovation dans les années à venir sur cette composante sans pilotes.

Le premier vol du Watchkeeper a eu lieu le 14 avril.Aeroplans - Watchkeeper

Le Watchkeeper ou autrement nommé le WK450, a effectué son premier vol d’essais dans l’ouest du Pays de Galles, le 14 avril dernier. Ceci cinq ans après sa mise en projet. Equipé de plusieurs charges utiles et de systèmes de liaison, l’appareil a atterri 20 minutes plus tard. A terme, il emportera un système de caméras utrasensibles et de suivis de mouvements - animées par un processeur FLIR et doté d’un module laser - mais aussi bien d’autres systèmes optroniques. Ce premier pas marque le début d’une série de vols d’essais prévus dans les mois à venir. L’engin possède une autonomie de 16H en vol à 5 000 m et un rayon d’action de 200 km, extensible via des relais satellites. Il est aussi capable d’assurer des atterrissages de manière autonome.

Cet UAV est le digne successeur des Hermes 450 déjà en service dans l’armée britannique depuis juin 2007. Ainsi, mi-avril Thales Aeroplans - Watchkeeperannonçait que sa flotte de H-450 déployée en Afghanistan avait effectué plus de 30 000 heures de vol et 2 000 sorties, assurant ainsi la majeure partie des capacités ISTAR des forces britanniques en opération. L’électronicien français indique que son contrat de service avec le MoD arrivera à échéance en octobre mais devrait être reconduit jusqu’en avril 2011, « lorsque le système H-450 sera retiré du service actif pour être remplacé par le nouveau système de drone Watchkeepeer ».

Le Watchkeeper équipera dès octobre de cette année les forces britanniques qui en recevront 54 exemplaires sur trois ans pour un montant de 800 millions de livres. Il permettra aux forces britanniques de disposer de capacités de surveillance tout-temps, de jour comme de nuit. Il sera fabriqué à Leicester où, comme nous le Aeroplans - Watchkeeperdisions est basée la joint-venture U-TacS. Il sera utilisé à des fins de renseignement afin de permettre « aux opérationnels sur le terrain de détecter et de poursuivre des objectifs sans avoir à déployer des troupes dans les zones potentiellement sensibles et dangereuses » indique Thales.

En parlant du Royaume Uni, on aurait pu croire qu’en ces temps difficiles, les Anglais se seraient volontiers tournés vers l’Oncle Sam pour des achats sur étagères de Predator par exemple. Et pourtant, ces deux programmes sont parmi les plus prometteurs en Europe. Au-delà du Talarion ou encore du nEUROn, ces deux projets devraient voir le jour rapidement contribuant ainsi à masquer le déficit capacitaire des armées anglaises et surement françaises voir européennes.

Fait amusant pour terminer : le Watchkeeper qui est donc conçu sur la base du drone Hermes 450 de la société israélienne Elbit Systems Aeroplans - Watchkeepercontient certains composants du système de conception américaine. Or, ces derniers n’auraient toujours pas reçu les autorisations nécessaires pour leur exportation de la part de Washington. Une situation comique surtout quand on pense au prétendu dévouement dont font preuve les Anglais comme les Israéliens envers les Etats-Unis. A voir alors si la situation n’empirerait pas dans le cas où le drone serait vendu à d’autres pays, même européens.

En attendant, les Français apprennent grâce à la vision pragmatique des Anglais dans le domaine des drones. Comme nous l’avons remarqué, Thales est à la pointe dans ce domaine en Europe et collabore principalement avec les Israéliens pour progresser. Thales UK emploie 8 500 personnes basées sur 40 sites. En 2009, Thales UK a enregistré un chiffre d’affaires de 1,5 milliards de livres. Reste à savoir si un jour, les Européens arriveront enfin à se mettre d’accord sur des projets plus communs que le Talarion (quoique rien n’est encore joué). Mais aujourd’hui, le ministère britannique de la Défense a attribué à Thales UK le contrat initial de soutien pour trois ans du programme de drone Watchkeeper (1 milliard d’euros soit 700 millions de livres), pour lequel la filiale est maître d’œuvre pour l’intégration des systèmes. Ce programme comprend la fourniture des équipements et des installations requises ainsi que la formation associée, avec la mise en service des capacités opérationnelles dès le mois d’octobre.

Michael Colaone.

Cet article fait partie de notre feuilleton intitulé « Guerre des drones et avenir de la supériorité technologique européenne » dont vous pouvez retrouver la première partie ici.



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