Aéroplans - Le satellite Yamal-402.La nouvelle est tombée la semaine dernière : le groupe russe Gazprom a annulé son contrat avec Arianespace pour le lancement de ses deux satellites Yamal-400, qu'il a transférés sur Proton.

Yamal-400 : l'illusion d'une grande victoire européenne

Il y a un an, Gazprom avait créé la surprise en choisissant l'opérateur européen n°1 mondial pour lancer ses deux satellites de nouvelle génération. C'était la première fois que des engins russes allaient être mis en orbite par un lanceur étranger (à l'exception de Bonum-1, en 1998, mais les conditions étaient alors très particulières), et le choix d'Ariane face aux concurrents ILS et Sea Launch avait été pris comme une très grande victoire européenne.

 

 

En effet, au-delà d'un contrat pour deux satellites, de taille relativement modeste qui plus est, cet événement symbolisait la première incartade européenne sur le marché russe, pourtant considéré comme l'un des plus captifs du monde.

Et cette victoire venait s'ajouter à celle de Thales Alenia Space, qui avait été choisi pour développer non seulement les charges utiles des satellites, mais aussi les plateformes ! L'un des deux grands opérateurs russes confiait donc l'intégralité de son programme le plus stratégique à l'industrie spatiale européenne, de la conception jusqu'à la recette en orbite.

Aéroplans - Le lanceur européen Ariane 5 ECA.Mais pourquoi les Russes avaient-ils pris une telle décision ? La réponse se trouve à la Compagnie Française d'Assurance pour le Commerce Extérieur, la Coface. Cet organisme, basé à la Défense et maintenant propriété du groupe Natixis, avait apporté son aide financière à Gazprom pour le développement de ses Yamal-400, et ce afin de soutenir les industriels français. Plus les Russes achetaient français, plus l'aide de la Coface était importante.

Thales Alenia Space avait donc fait deux propositions : l'une où il ne ferait que construire les satellites, laissant Gazprom choisir le moyen de lancement, et l'autre où Arianespace serait responsable du lancement, ce qui garantirait une large participation de la Coface. Dans ce cas, ce serait TAS qui serait officiellement le client d'Arianespace, Gazprom lui déléguant ainsi l'intégralité du développement des Yamal-400. Et c'est donc ce second scenario qui avait eu la préférence de Moscou.

Retournement de situation

Mais le 21 janvier dernier, les actionnaires de Gazprom Space Systems, la filiale du géant gazier responsable des satellites Yamal, ont décidé d'accroître la participation russe dans le programme. Le contrat signé un an plus tôt avec Arianespace a donc été annulé, et un nouvel accord a été signé avec International Launch Services pour la fourniture de deux lanceurs Proton-M, pour des lancements en 2012 et 2013.

La situation n'est pas très claire, mais il semblerait par ailleurs que Thales Alenia Space ne soit plus maître d'œuvre sur le second satellite, pour lequel elle ne ferait que participer aux essais au sol. L'industriel franco-italien nous a indiqué qu'il "n'est pas responsable du contrat lanceur", et qu'il n'y est donc pour rien dans ce revirement de situation.

De son côté, Gazprom a indiqué dans un communiqué de presse que la Coface maintenait son financement au programme, bien que probablement pas au même niveau qu'initialement escompté.

Arianespace n'a pas souhaité répondre à nos questions sur le sujet, mais on peut imaginer que la pilule est difficile à avaler. A l'heure où l'on vante la coopération privilégiée entre la France et la Russie, notamment au travers du programme « Soyouz en Guyane » qui se rapproche du premier vol, ce revers constitue en effet un amer retour à la réalité : la Russie reste la Russie, et plus encore que d'autres nations elle protège son industrie nationale à n'importe quel prix.

Nicolas Pillet.