Aeroplans - RQ-4 Global HawkQui pense drone, pense Predator. Mais qui pense drone peut aussi penser au Global Hawk. Si nous ne parlerons pas aujourd’hui de l’extraordinaire capacité des Etats-Unis à imposer leurs standards, nous allons réfléchir sur ce type d’engins. Les drones HALE sont des drones Haute Altitude Longue Endurance dont la taille atteint celle de petits avions de lignes de type A320. Annoncés comme les remplaçants non-habités des fameux U2, AWACS, JSTARS ou autres Erieye, ces drones géants proposent de nombreux avantages à leur utilisation.

Déjà déployés sur des théâtres d’opérations extérieurs et déjà exportés dans des pays étrangers par leurs concepteurs, les drones HALE deviennent à la fois un symbole de puissance comme un gage de supériorité au combat. Mais nous verrons que pour l’instant ces programmes sont jeunes malgré de beaux jours devant eux.

 

 

Global Hawk et Eitan seuls représentants de leur espèce.Aeroplans - RQ-4 Global Hawk

Et oui, une fois de plus les Américains ne sont plus les seuls à pouvoir se vanter de posséder des drones de Haute Altitude Longue Endurance. Principaux concurrents sur le marché mondial des drones, les Israéliens ont commencé via leur entreprise d’Etat IAI (Israel Aircraft Industries) à fabriquer des drones dans les années 1970. Aujourd’hui, ils sont les seuls réels concurrents des Américains pour la commercialisation de ces engins. Ainsi, depuis le mois de février de cette année, l’armée de l’air israélienne a intégrée à ses escadrilles un drone géant baptisé Eitan (« fort » en hébreu). L’appareil intègre la gamme du même nom composée de drones MALE. On les connaît aussi sous la dénomination Héron TP pour la version export. Le drone géant est long de 24 mètres pour une envergure de 26 mètres. Il est donc comparable à un A320 ou un B737. Il pèse 4,5 tonnes et peut voler pendant 24 heures. Le poids est un élément déterminant pour l’autonomie de l’appareil qui peut emporter une charge utile d’une tonne.

Aeroplans - Drone IAI EitanEquipé des meilleures technologies de l’Etat hébreu, il emporte caméras, radars et divers équipements électroniques de pointe. Pouvant voler à 13 000 mètres d’altitude, Eitan est un outil redoutable pour les opérations israéliennes. Cet engin aurait été conçu principalement pour la surveillance de l’Iran. Il constitue aussi un « tournant déterminant dans la conception d’avions sans pilotes en Israël » selon le général Ido Nehustan, chef de l’armée de l’air. Ce dernier espère qu’un escadron complet sera opérationnel d’ici la fin de l’année 2010.

La légende d’Eitan est impressionnante. Si le drone est pour l’instant dévolu aux missions ISTAR (intelligence, surveillance, ciblage et reconnaissance), il pourrait aussi subvenir aux besoins de la lutte anti-missiles. Si développer un drone d’attaque et un drone de surveillance ne subit pas les mêmes contraintes, IAI voient les choses en grand pour Eitan. Au début, on aurait même pu croire aux rumeurs annonçant d’emblé un drone polyvalent. Mais force est de constater que les Israéliens ont d’abordAeroplans - IAI Heron TP MALE opté pour une version d’observation avant de lancer une version d’attaque au sol. C’est la presse israélienne qui faisait courir le bruit que le drone géant pourrait emporter des munitions permettant d’intercepter des missiles longue portée au moment de leur lancement. Aujourd’hui, une double composante, l’une pour la détection et l’autre pour la destruction est plus plausible.

D’une envergure de 39,9 mètres, le drone américain RQ-4 Global Hawk peut lui voler jusqu’à 19 800 mètres pendant une trentaine d’heures à une vitesse de 650 km/h. Il est propulsé par un turboréacteur Allison Rolls-Royce AE3007H et pèse 14,6 tonnes maximum (la charge utile étant généralement de 10% de la masse total). Il a été éprouvé en Afghanistan ainsi qu’en Irak avec une première apparition en 1999 au Kosovo. Construit par Northrop Grumman, il répond aux besoins de l’US Air Force avant de commencer à conquérir les marchés étrangers. Il effectua son premier vol expérimental le 28 février 1998. Depuis 2003 et l’obtention de son accréditation FAA, il est autorisé à survoler l’espace aérien civil américain.

Toutes les informations recueillies par les capteurs sont transmises par satellite au centre d'opérations. Leur densité requiert en général de gigantesques capacités de transmission, et donc le support d'un important segment spatial. Une transmission qui reste problématique même pour les Américains. En 2009, chacun se souvient des révélations faites par le Wall Street Journal annonçant que des insurgés irakiens avaient eut accès à l’imagerie des systèmes Predator. Grâce à un programme grand publique coûtant 26 dollars, ces derniers pouvaient avoir accès aux images recueillies par les drones sans pour autant nuire à ce dernier. Nous apprenions ainsi que l’armée américaine n’avait pas jugé bon de crypter ses liaisons satellites avec ses drones. Le système de cryptage ne sera pas pleinement opérationnel avant 2014.

De la nécessité de fabriquer des drones HALE en Europe.Aeroplans - Projet de drone HALE Boeing

En Europe, les Allemands se sont porté acquéreurs de ces systèmes Global Hawk. C’est par exemple dans le cadre de l’initiative « Euro Hawk » en coopération avec EADS qu’un drone de ce type avait effectué un vol transatlantique depuis la Californie vers l’Allemagne en octobre 2003. Cependant, on reste encore un peu perplexe sur le vieux continent sur la manière d’utiliser ces engins. En effet, la masse d’informations dégagée par les drones ne peut pas encore être exploité dans son intégralité. Ainsi, malgré ses bataillons d’analystes, il faudrait des années au Pentagone pour exploiter toutes les images en stock. Pour les images tournées en 2009, il faudrait 24 ans de visionnage en continue pour tout traiter.

Si ces successeurs des avions espions U2 voir même de certaines fonctionnalités des satellites d’observation et d’alerte sont quand même promis à un bel avenir, l’Europe n’en est qu’au Aeroplans - Photo prise par un Global Hawk en Haitistade de la réflexion. Ceci étant particulièrement vrai en France puisque l’Allemagne, l’Italie ou le Royaume Uni n’ont déjà pas hésité à aller se fournir aux Etats-Unis. C'est ce que symbolise l'Euro Hawk. Le drone se base sur le Global Hawk mais est fourni par les technologies de pointe européennes produitent par EADS. Un appareil hybride en quelque sorte mais qui permet à l'Allemagne qui chapeaute le projet d'avancer dans ce domaine. Ce pose alors la question de savoir si l’Europe pourrait produire à elle-seul des drones HALE. Compte tenu de son retard important sur les autres segments de la composante, ce n’est peut-être pas une priorité mais verrons-nous un jour des drones Haute Altitude Longue Endurance made in Europe ?

Si l’exemple des AWACS nous a appris quelque-chose, c’est bien qu’il n’y a pas de mal à jouer le jeu de la mondialisation pour satisfaire des besoins spécifiques. L’acquisition de drones HALE américains ou israéliens est donc l’option privilégiée à l’heure actuelle. En France, on rénove actuellement la flotte d’E-3F ce qui laisse logiquement penser que l’acquisition de drones HALE n’est définitivement pas une priorité. Cependant, leAeroplans - RQ-4 Global Hawk développement d’un nouvel engin est long et doit donc être défini bien à l’avance. Même si pour le moment, les drones HALE sont destinés à des missions de reconnaissance stratégique maritime ou terrestre mais non aérienne.

En Europe, on pourrait très bien profiter de cette position d’ « outsider » pour développer des programmes HALE novateurs. A l’image de la Corée du sud et de son projet de drone solaire longue distance. Si l’expérience n’est pas nouvelle puisque tentée par la NASA avec « Helios », elle n’a pas encore était concrétisée. En effet, le prototype américain s’était écrasé lors de son vol d’essai en 2003 après une panne survenue à 8000 mètres d’altitude.

 

Aujourd’hui, l'Université Aérospatiale de Corée (UAE) et l'Institut des Sciences & Technologies avancées de Corée (KAIST) ont signé un protocole d'accord afin de développer ensemble un drone à énergie solaire capable d'effectuer un vol stationnaire à une altitude de 20.000 mètres pendant plusieurs mois avant de retrouver la terre ferme. L’engin aurait une envergure comparable à un Global Hawk et verrait le jour en 2012. Le premier prototype aura une envergure de 4 mètres et devra voler pendant 48 heures. Il devrait être déployé au second semestre 2010.

Aeroplans - RQ-4 Global Hawk © Northrop GrummanLe petit Candide est de sortie.

Pour finir, laissons-nous aller à rêver. Dans l’hypothèse très incertaine où les Européens s’entendraient pour mettre en commun la fabrication d’une gamme de drones de tous types, la composante HALE deviendrait alors abordable. N’oublions pas que réunis, les pays européens constituent une manne économique plus importante que celle des Etats-Unis. Un sommet économique et politique qui a toujours fait vibrer Washington qui s’emploie à déstabiliser son ascension.

Cependant, si des succès dans des programmes de drones MALE par exemple se répétés, l’Europe aurait les moyens de fabriquer ses propres drones HALE pour répondre à ses besoins mais aussi pour conquérir de nouveaux marchés. L’industrie européenne des drones deviendrait alors florissante et pourrait rivaliser avec la concurrence. Conscient de la capacité technologique du vieux continent, ces Aeroplans - RQ-4 Global Hawk © Northrop Grummandrones auraient surement une chance de s’imposer face à la prédominance actuelle des Américains et des Israéliens.

Mais en attendant, force est de constater que malgré sa longue histoire l’Europe n’apprend pas de ses récents échecs et se complait dans des disputent puériles. La compétition fratricide entre le Rafale, l’Eurofighter et le Gripen n’aura pas suffit pour qu’un avenir commun sur les drones soit clairement défini. Malgré tout, l’espoir subsiste et des programmes spatiaux comme Athéna-Fidus ou Helios nous rappelle que s’ils sont bien menés, des programmes communs à très haute valeur ajoutée peuvent être très performants et surtout économiquement viables.

Michael Colaone.

Cet article fait partie de notre feuilleton : Guerre des drones et avenir de la supériorité technologique européenne.