Le lanceur Proton-M avec le satellite AMOS 5 (crédit : Roscosmos).Les relations entre la Russie et Israël ont toujours été très ambigües. Alors que la première est directement impliquée dans le programme nucléaire iranien, la seconde abrite sur son sol une très importante communauté russe, au point que la langue de Tolstoï est devenue la troisième langue maternelle de l’Etat hébreu.

Les satellites AMOS

Mais dimanche matin, à 12h17 heure de Paris, la coopération russo-israélienne s’est littéralement envolée. Un lanceur russe Proton-M a quitté le sol de Baïkonour et a mis en orbite AMOS 5, le cinquième satellite de télécommunications israélien.

AMOS 1, 2, 3 et 4 ont tous été construits par l’industriel israélien IAI, et sont opérés par Spacecom, une entreprise créée spécialement par l’Etat hébreu.

Le premier AMOS avait été lancé par Ariane 4 (Vol 86) en mai 1996. Les suivants ont été mis en orbite par Soyouz-FG en 2003 et Zenit-2SB en 2008. AMOS 4, quant à lui, ne partira que l’année prochaine sur une Proton-M.

Décollage du Vol 86 en 1996 avec le premier AMOS (crédit : Arianespace).On le voit, Israël s’est montré dans le passé très ouverte pour le choix des lanceurs de ses satellites de télécom. En revanche, leur construction a toujours été confiée à IAI, qui n’a pas  d’autre activité dans ce domaine, et dont la branche télécommunications ne vit que grâce aux satellites AMOS.

IAI en danger

Mais en septembre 2008, coup de théâtre. Le contrat pour le développement du cinquième rejeton, AMOS 5, n’est pas confié à l’industriel national, mais à une entreprise russe ! ISS Rechetniev, c’est son nom, est le plus grand constructeur de satellites de l’ex-Union soviétique. Après la crise économique sans précédent des années 1990, elle s’est peu à peu rendue compte que sa seule chance de survie était de s’ouvrir au marché commercial international. Plus facile à dire qu’à faire, tant la concurrence est rude dans ce domaine.

Alors pour gagner des contrats, les Russes n’hésitent pas à jouer le grand jeu. Pour AMOS 5, ils ont proposé aux Israéliens un package comprenant le satellite lui-même, mais aussi la mise sur orbite et l’assurance, le tout pour la somme de 157M$ ! Soit environ 50% moins cher que l’offre d’IAI, ou que ce que n’importe quel concurrent occidental pourrait proposer.

Dans ces conditions, l’opérateur Spacecom a mis de côté la préférence nationale, et n’a pas hésité à signer avec les Russes. Pour IAI, cet échec a des conséquences incalculables. Quand la construction d’AMOS 4 sera terminée, l’industriel israélien se retrouvera avec un carnet de commandes vide. Le devenir de son activité télécom sera alors plus qu’incertain.

Comme les AMOS servent à la fois les besoins civils et militaires, un tel scénario signifierait que les Forces armées israéliennes reposent entièrement sur l’étranger pour leurs besoins – vitaux – de communications.

Thales Alenia Space livre la charge utile d'AMOS 5 à Rechetniev (crédit : ISS Rechetniev).Les Français entrent en jeu

ISS Rechetniev a développé AMOS 5 sur la base de sa nouvelle plate-forme Ekspress-1000, utilisée également par les satellites de navigation GLONASS de nouvelle génération, dont le premier exemplaire a été lancé en février dernier.

Mais si l’industriel russe a une gigantesque expérience dans le domaine des satellites, il n’en est rien pour ce qui est de leurs charges utiles. Comme toute la Russie, Rechetniev a accumulé des décennies de retard dans l’électronique de pointe, et a du mal à fabriquer des composants suffisamment robustes pour supporter les radiations du milieu spatial.

Depuis le début des années 2000, Rechetniev a donc pris l’habitude de s’associer à Thales. Le premier construit le satellite, et le second fournit les transpondeurs, Made in Cannes.

Une coopération forcée

Ce nouveau satellite israélien est un magnifique exemple des contradictions qui peuvent naître entre relations internationales et contraintes économiques. Les Israéliens se retrouvent obligés de coopérer avec les Russes pour économiser de l’argent, et les Russes sont forcés de faire appel aux Français pour pouvoir tenir leurs engagements…

Reste que l’exemple ne sera probablement jamais renouvelé. La pression est extrêmement forte en Israël pour maintenir l’activité télécom d’IAI au-dessus du niveau de l’eau. Le Ministère de la Défense voudrait faire signer à Spacecom un engagement à se fournir chez IAI pour ses deux prochains satellites.

Sauf que Omri Arnon, le vice-président de Spacecom, a récemment déclaré que « l’acquisition d’AMOS 6 serait compétitive », et qu’ « aucun traitement de faveur ne serait accordé à IAI ».  Affaire à suivre…

 

 

Préparation d'AMOS 5 à Baïkonour, avec le co-passager russe Loutch-5A (crédit : Roscosmos).