Dans la nuit de vendredi à samedi (23h03 à Kourou, 03h03 en métropole), le lanceur Soyouz-ST-A SZ02 va décoller du Centre Spatial Guyanais. Il emmènera six satellites sur orbite, tous construits par EADS Astrium.
VS02, le deuxième vol de Soyouz en Guyane
Le premier lanceur Soyouz avait décollé de Guyane le 21 octobre dernier, avec les deux premiers satellites GALILEO. Il s’agissait alors d’une version ST-B du lanceur, la plus moderne. Cette fois-ci, c’est un Soyouz-ST-A, qui utilise le « vieux » moteur RD-0110 sur son troisième étage, moteur impliqué dans l’échec du 24 août dernier, quand un Soyouz au départ de Baïkonour s’était écrasé dans les montagnes de l’Altaï.
En conséquence, le troisième étage (Bloc I) avait fait un aller-retour en Russie à bord d’un An-124 pour inspection. Le défaut à l’origine de l’accident du 24 août était isolé, et tout était en ordre sur le lanceur guyanais. Mais on ne reprochera pas aux Russes cet excès de prudence.
Le lanceur avait été livré en Guyane par le MN Colibri au mois de juin, en même temps que celui utilisé pour le premier vol du 21 octobre. Deux autres lanceurs avaient été livrés en 2009, et ils attendent toujours leur lancement dans le Bâtiment d’Assemblage et d’Essais (MIK).
Pléiades-1
En janvier 2001, France et Italie se sont mises d’accord pour se lancer dans un grand programme spatial dual (à la fois civil et militaire) appelé ORFEO. L’Italie fournira une composante radar, et la France une composante optique. Chaque pays aura accès aux données de son partenaire. Il s’agit d’une manière très intelligente de diviser les coûts, souvent rédhibitoires pour ce genre de projets.
L’Italie a ainsi lancé quatre satellites radars COSMO-SKYMED entre 2007 et 2010 à bord de fusées américaines Delta II. La participation française, constituée de deux satellites d’observation optique Pléiades, devait être opérationnelle en 2007, mais a subit de nombreux reports.
C’est donc le premier des deux satellites qui a pris place sous la coiffe de Soyouz-ST-A. Il a été réalisé par EADS Astrium, avec une charge utile de Thales Alenia Space.
ELISA
Depuis les années 1990, la France a lentement mais sûrement entrepris de se lancer dans le ROEM (Renseignement d’origine électromagnétique, ce que les Américains appellent l’ELINT). Le principe est de détecter et de caractériser les radars du monde entier, avec pour objectif final de les neutraliser.
Les premiers dans ce domaine ont été les Etats-Unis, qui on lancé leur premier satellite ROEM, Solrad 1, en juin 1960. Les Soviétiques ont emboîté le pas en 1984 avec les Tselina-2.
La DGA et le CNES ont notifié un contrat de 170M$ à Astrium et Thales en février 2006, pour un lancement prévu sur Soyouz en Guyane début 2010. Il s’agit de quatre microsatellites, appelés ELISA, basés sur la plate-forme Myriades d’Astrium et du CNES. Thales Systèmes Aéroportés fournit la charge utile.
ELISA est un démonstrateur. L’objectif de la mission, qui devrait durer au moins trois ans, est d’acquérir un savoir-faire qui permettra à la France de se doter d’un système opérationnel. Des expériences ont déjà été menées dans ce domaine avec les microsatellites CERISE, CLEMENTINE et ESSAIM, et ces quatre nouveaux appareils représentent le dernier pas avant la capacité opérationnelle. Elle sera matérialisée par le satellite CERES, envisagé pour 2019.
SSOT
Le Chili a voulu se lancer dans le spatial au début des années 1990. En 1993, il lance un appel d’offres pour le développement d’un petit satellite technologique. C’est le Britannique SSTL qui remporte la compétition en 1994, et le contrat inclut un assez large transfert de technologie. Des ingénieurs chiliens sont notamment venus se former en Angleterre.
Le lancement de ce premier satellite chilien, appelé FASat, a lieu en 1995 sur une fusée russo-ukrainienne Tsiklone-3 mais, malheureusement, il ne s’est jamais séparé du satellite porteur. Un exemplaire de remplacement est lancé en juillet 1998 par une fusée Zenit-2, cette fois avec succès.
Et depuis, plus rien. Pour leurs besoins en renseignements, les militaires chiliens dépendent exclusivement de pays étrangers, comme le Brésil, l’Inde ou la France. Le Président Ricardo Lagos lance l’idée d’un satellite d’observation de la Terre propre au Chili, et le Ministre de la Défense Jaime Ravinet signe ne janvier 2006 une Lettre d’Intention allant dans ce sens.
Un partenariat avec EADS Astrium est alors envisagé et, en mai 2006, on s’attend à la signature d’un contrat lors d’une visite officielle du Président Jacques Chirac au Chili. Mais rien ne vient. Il faudra attendre le 25 juillet 2008 pour qu’un contrat soit signé entre l’Etat chilien, représenté par le Ministre de la Défense José Goñi, et Astrium. L’accord, d’environ 40M$, prévoit la réalisation d’un petit satellite, baptisé SSOT, du segment sol associé, ainsi que la formation des techniciens chiliens.
Quelques mois plus tard, en décembre 2008, Astrium sélectionne sans surprise Arianespace pour le lancement du satellite, qui est programmé à bord d’un lanceur Soyouz depuis la Guyane pour le premier semestre 2010.
Le développement et la construction de SSOT sont réalisés en moins de dix-huit mois. Le satellite est en effet basé sur la plate-forme Myriades, développée conjointement par Astrium et le CNES, qui a déjà volé à de nombreuses reprises. Le satellite est livré dans les temps en février 2010, mais les retards dans la mise en service de l’Ensemble de Lancement Soyouz en Guyane obligent Astrium à stocker SSOT pendant plus d’un an.
