Aeroplans - Dassault RafaleAujourd’hui, le Rafale a du mal à se vendre. Même si le groupement d’intérêts économiques le commercialisant est proche d’un accord au Brésil et aux Émirats arabes unis, la route est encore longue pour en faire un succès commercial. Alors, on imagine que tous les arguments sont bons à prendre.

L’appareil français est peut-être le plus abouti des avions du marché (or F-22 et F-35 non opérationnels ou non exportables), mais c’est aussi le plus cher. Un nouvel argument de vente ne serait alors pas superflu. Si le projet Aldebaran visant à faire du Rafale un lanceur de microsatellites était enfin concrétisé, les prospects n’en seraient que ravis.

 

 

 

 

Le marché des microsatellites se développe. Aeroplans - MUSIS

Le projet Aldebaran, nous en parlons régulièrement, c’est ce projet initié par le CNES et Dassault pour étudier la viabilité d’un microlanceur aéroporté (MLA) basé sur un Rafale Marine. Simple et économique, ce système permettrait de mettre en activité des moyens d'observation de la Terre, de communication ou d'écoute électronique en un temps record et pour un prix très compétitif. S’il ne s’agit évidemment pas de remplacer des constellations comme Hélios ou MUSIS à venir, l’exploitation de microsatellites est un moyen complémentaire pour la bonne tenue de missions militaires et civiles.

Dans le monde, les nations désireuses de moyens d’observation à bas coûts sont nombreuses. Pour certaines, comme le Nigéria ou la Bolivie, on se tourne vers des puissances spatiales comme la Chine pour lancer des satellites low-cost mais à des prix acceptables. Les contreparties sont parfois importantes et il est parfois difficile pour ces pays de justifier de telles dépenses, mais les Chinois accroissent leur influence avec succès.

On comprend alors aisément que ces États soient intéressés par la montée en puissance des microsatellites. Même si ces derniers sont moins performants et ont une durée de vie moins importante que les gros satellites, leurs prix font la différence. En dessous de 100kg, un microsatellite coute entre 300 000€ et 8M€. On peut aussi s’offrir un minisatellite (entre 100 et 500kg) pour un montant compris entre 10 et 40M€.

Aeroplans - TUBSATEn dehors du coût du satellite, le lancement de ce dernier est le deuxième grand obstacle à la mise en orbite pour des pays qui n’en ont pas les moyens. Affichant virtuellement des coûts d’exploitation limités, le prix d’un lancement par un MLA est très compétitif. Ceci puisque le développement d’un lanceur n’est pas nécessaire, alors que le Rafale Marine est déjà opérationnel et structurellement adapté à l’emport de charges aussi lourdes. Seul le tricorps nécessite des coûts de développement, mais limités. Enfin, l’infrastructure au sol comprendrait seulement un bâtiment d'intégration, une zone de remplissage des ergols et bien évidemment une piste d'envol. Ceci alors même certains parlent déjà de lancements à partir de porte-avions.

Outre les acteurs institutionnels, les acteurs privés sont et seront intéressés par ces moyens spatiaux. Google et YouTube annoncent déjà qu’ils ont et auront de plus en plus recours à des microsatellites. Si certains pays arabes sont par exemple déjà capables de produire leurs microsatellites, rien que le service de lancement serait financièrement intéressant pour un Rafale MLA.

Un nouvel outil d’influence pour la France et l’Europe.Aeroplans - Inde PSLV

Ainsi, la France et plus largement l’Europe pourraient se servir de cette nouvelle solution pour étendre son influence tout en faisant des affaires. Outre la rentabilisation du Rafale, les industriels sont d’ores et déjà capables de construire ces satellites. Le marché, qui n’a pas été chiffré, possède un potentiel logique et non négligeable.

En plus de ces atouts commerciaux, le MLA est un outil d’influence important. En proposant leurs services aux nations en développement, les Européens pourront de nouveau tendre la main à d’anciens clients. Des partenaires qui se tournent aujourd’hui vers la Chine et l’Inde pour obtenir des solutions. On pense alors aux pays d’Afrique, d’Amérique du Sud ou d’Asie du sud-est. Dotés de faibles moyens spatiaux à cause de leur situation économique, ces pays pourraient opter pour cette solution. Une solution française ou européenne de conception puis de mise en orbite de microsatellites à faibles coûts serait surement appréciée et permettrait de resserrer des liens aujourd’hui à l’abandon.

En Inde et au Pakistan, on semble en tout cas avoir compris l’enjeu. Ces deux puissances développent des projets pour plusieurs nations. On pense alors que l’utilisation de microsatellites à vocation très spécialisée est plus porteuse que celle de satellites toujours plus gros et donc toujours plus chers. Pour certains observateurs, seuls les microsatellites répondront aux besoins de demain.

Reste qu’en Inde, le lancement de ces microsatellites subit des coûts d’exploitation encore élevés et surtout contraignants pour les clients. L’offre est actuellement basée sur un lanceur conventionnel pour mises sur orbites polaires (PSLV). Ils doivent donc attendre de se partager les places de passagers auxiliaires sur les gros lanceurs qui leur imposent l'orbite du passager principal. Enfin, le programme Pegasus américain présente lui aussi des contraintes importantes. Des problèmes qui n’existeraient pas dans le cas d’un MLA basé sur la Rafale.

Nouvel argument de vente pour le Rafale à l’export.

Comme nous avons pu le constater lors de tous les derniers exercices internationaux auxquels a participé le Rafale, l’appareil français survole ses concurrents. Cependant, le chasseur se heurte à une compétition farouche sur les marchés export. Une concurrence qui tire souvent son épingle du jeu grâce à ses prix. Or, si le Rafale n’était pas qu’un avion de chasse mais aussi un lanceur de satellites, les opportunités décolleraient peut-être.

Économiquement, le GIE Rafale se Aeroplans - Dassault Rafalesatisferait de la vente à l’export de Rafale supplémentaires. On peut aussi rajouter la vente de tricorps pour les charges le nécessitant. On pense aussi à la construction des infrastructures au sol et à un accès privilégié aux offres françaises et européennes pour la conception des microsatellites.

Par contre, du côté du client les bénéfices sont potentiellement énormes. En dehors d’un chasseur de toute beauté, c’est d’un accès indépendant à l’espace dont nous parlons. En Lybie, par exemple, où le Rafale est en lice pour se vendre à 14 exemplaires, l’argument aurait certainement du poids. Alors que la compétition a fait son apparition puisque les Libyens devraient acheter une vingtaine d’appareils russes, le Rafale multiplierait ses chances.

Même topo aux Émirats ou au Brésil, qui ne possèdent pas d’accès indépendant à l’espace. En Inde, malgré les efforts consentis par New Delhi en faveur des technologies liées aux microsatellites un Rafale MLA pourrait aussi faire mouche. N’oublions pas qu’un appel d'offres pour 126 appareils est en cours dans ce pays. Des bénéfices qui n’auraient aucune comparaison possible avec les coûts de développement d’un Rafale MLA.

Michael Colaone.

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