011Membkc390Analyse – Le Brésil… Voici l’un des nouveaux pays qui fait fantasmer les grands industriels du monde entier. Et pourtant, à ce jour, peu de contrats sont réellement attribués. Mise à part une présence israélienne historique et bien implantée sur des marchés qui, même s’ils ne représentent pas des volumes énormes, rapportent beaucoup d’argent, qui peut se vanter d’un grand contrat ? Evidemment, dans l’aéronautique militaire nos yeux restent rivés sur l’appel d’offre FX-2. Feuilleton à rebondissements, il se pourrait qu’une issue soit de nouveau envisageable d’ici à quelques semaines. En attendant, Boeing place remarquablement ses pions… Petite analyse.

Un contexte nouveau

Comme chacun aura pu le constater, la baisse des dépenses liées à la Défense et la sécurité sur les marchés traditionnels de grands industriels comme Boeing ou EADS a un impact de plus en plus visible sur leurs stratégies. Que ce soit en Europe ou aux Etats-Unis, chacun se prépare à des temps bien plus rudes que ces dernières années passées à l’ombre de ministères de la Défense fortunés. Rien qu’en France, il se pourrait que le budget de la Défense baisse de 10% grâce à un gouvernement d’un autre temps. Heureusement on aura pour le moment échappé au pire avec un M. Rocard qui voudrait abandonner la dissuasion nucléaire française…

Reste que dans ce contexte, les industriels doivent revoir en profondeur leurs stratégies de développement. Si les marchés domestiques ne doivent pas être oubliés (France, Etats-Unis, Royaume Uni, etc.), il va bien falloir payer les factures et trouver de nouveaux marchés. La démarche semble parfois terroriser les entreprises européennes.

Mais certaines comme SAFRAN joue un jeu qui nous paraît cohérent, avec notamment Morpho, sa filiale spécialisée dans les systèmes d’identifications. Forte d’un savoir-faire parfois unique au monde et de larges investissements en amont, l’entreprise s’impose dans le monde entier sans pour autant sacrifier de son autonomie ou de ses connaissances au travers de coentreprises hasardeuses par exemple. Car pourquoi partager son savoir quand on est le seul à l’avoir ? En Inde par exemple, rien de comparable à ce que propose Dassault en termes d’échange de technologies et pourtant, Morpho y a décroché des contrats énormes.

Le cas brésilien et la stratégie de Boeing

Ca y est, les petits Français de chez Dassault Aviation sont sur le point de vendre le Rafale à l’étranger ! Après temps d’efforts de la part de l’industrie américaine pour couler l’avion français dans le monde entier, voici qu’il pourrait s’imposer dans deux pays clés que sont l’Inde et le Brésil. En Inde, le Rafale a ainsi passé une étape symbolique en rentrant en négociations exclusives avec les autorités locales. Une étape importante certes mais rien n’est joué, car en Inde peut-être plus qu’ailleurs, les choses peuvent prendre du temps et tout peut toujours basculer.

Le Brésil est plus partagé. Selon les sources, le Rafale tiendrait la corde notamment grâce à l’échange entre l’Inde et ce pays des données d’évaluations de l’avion. Une situation pénible pour Boeing qui souhaite y imposer son F-18. Mais pas de quoi décourager les Américains qui savent que si l’avion ne remporte pas un contrat à l’export rapidement, les lignes de production vont finir par fermer. Grosse motivation donc de la part de l’industriel mais aussi, de Washington. En effet, nombre de discussions liées au FX-2 ont lieu en local impliquant nombre de diplomates américains (ou d’anciens travaillant désormais pour Boeing) bien rodés à la vie brésilienne. Mais alors que faire pour inverser la tendance ?

Si 36 avions de chasse pour la première tranche, cela ne ressemble pas tout à fait aux contrats locaux des avionneurs aux Etats-Unis ou en France, dans le contexte que nous rappelions plus haut cela motive. Boeing a donc décidé de mettre le paquet notamment au travers de son partenariat avec Embraer. L’avionneur national brésilien devient la clé de voûte du marché local, le "champion national de l’aéronautique et de la Défense". Afin de se mettre les Brésiliens dans la poche, les Américains usent d’une stratégie réfléchie en choisissant bien les endroits sensibles pour charmer Embraer et Brasilia. Récemment, on découvrait que les deux avionneurs ont conclu un accord sur le partage de connaissances techniques et des analyses de marchés autour du développement du KC-390.

Le futur avion de transport militaire brésilien est un projet ambitieux. Dérivé de l’Embraer 190 dont il est aujourd’hui bien différent, l’avion est le premier du genre construit par Embraer. Il peut être équipé pour servir de ravitailleur en vol et peut emporter jusqu’à 23,6 tonnes. Estimé à 50M$ l’unité, il enregistre de nombreuses marques d’intérêt, au Brésil évidemment, mais aussi au Chili, en Colombie, ou encore dans des pays européens comme le Portugal, la République Tchèque et bien-sûr la France. En effet, pour soutenir Dassault sur la campagne FX-2, l’Armée de l’Air française pourrait se voir équiper de 10 à 15 avions de ce type.

Pour Boeing l’équation est simple, faire miroiter une offre plus alléchante à Embraer. Car produire en coopération avec lui des F-18 c’est bien, mais Dassault propose la même chose depuis le départ. Alors pourquoi ne pas de positionner sur un objectif commun, stimuler les ventes de l’appareil dans le monde ? Pour Embraer il s’agit d’un bel espoir car Boeing connait bien le marché pour commercialiser lui-même le C-17 et cette proposition représente potentiellement plus que la vente d’une dizaine d’avions. De plus, le C-17 est d’une taille bien supérieure au KC-390 et ne se retrouve donc pas en concurrence directe. Ce qui n’est pas le cas du C-130 de Lockheed, le meilleur ennemi de Boeing.