Aeroplans - Dassault RafaleOn savait que les Emirats arabes unis envisageaient « sérieusement » d'acquérir l'avion français Rafale pour le renouvellement de leur flotte de combat, mais cette semaine les déclarations du cheikh Abdallah ben Zayed Al-Nahyane nous ont tout logiquement fait frémir, puisque les discussions seraient maintenant très « avancées » et deviendraient de plus en plus « utiles ».

En lice pour l'acquisition d'une soixantaine de Rafale, ce pays pourrait bien devenir le premier client autre que la France à faire voler l'avion de Dassault alors même que plusieurs contrats sont en discussion de par le monde. L'annonce pourrait être faite lors du prochain salon du Bourget qui se déroulera du 15 au 21 juin.

 

 

Une coopération franco-émiratie déterminante via le « camp de la paix ».

Aeroplans - Carte EAUAvec l'ouverture cette semaine de la première base française permanente hors du territoire national depuis les indépendances africaines, Nicolas Sarkozy met encore plus en avant le fort esprit de collaboration entre les deux nations. Cette base interarmées représente plus que le seul déploiement de militaires français dans cette zone stratégique proche du détroit d'Ormuz et de l'Iran. C'est en effet la première fois que le pays s'installe durablement dans une zone pourtant sous influence anglo-saxonne, marquant ainsi son virage géostratégique dicté par le Livre Blanc.


Or cette influence politique et économique est, comme nous avons déjà pu le constater, déterminante dans l'attribution de contrat d'avions militaires. Alors que la France fournissait déjà la majorité du matériel militaire des Emirats (un peu plus de 50%), elle réaffirme sa volonté de faire de ce pays un allié majeur.


Un allié stratégique puisque, par ce biais là, la France affiche son désir de redevenir une puissance déterminante dans la région stratégique du Golfe. Ceci aux côtés des Américains et des Britanniques. Abou Dhabi est également un bon allié des Etats-Unis. Si c'est une tactique plutôt inhabituelle pour des Français plutôt en paix, ce passage à l'offensive (aussi observé ailleurs en Afrique, comme au Cameroun mais peut-être au dépend de Djibouti) pourrait bien être apprécié par les Emiratis qui voient notamment leurs voisins iraniens monter en puissance.


La France serait alors directement concernée si attaque il devait y avoir puisque le Président a déclaré mardi : « Soyez assurés que la France sera à vos côtés si votre sécurité devait être menacée ». L'Iran est maintenant à 10 minutes de vol en Rafale, des Rafale de l'armée de l'air française, pour l'instant.


Des problèmes restent à régler.

Aeroplans - Dassault Mirage 2000-9 EAUSi les plus optimistes pensaient que le président annoncerait la vente lors de l'inauguration de la base française d'Abou Dhabi, il n'en fut rien. Plusieurs causes à cela : tout d'abord les négociateurs émiratis n'ignorent pas le contexte économique difficile dans lequel évolue actuellement Dassault Aviation.


Il est donc logique que la négociation sur le prix de ces 60 Rafales soit assez tendue. Ceci d'autant plus que les Emirats arabes unis sont actuellement dotés de Mirage 2000-9, la version la plus moderne de l'appareil (même la France n'en possède pas). Or le Rafale est destiné à remplacer ces Mirage, ce qui pose un problème majeur à Dassault. Le groupe français ne serait pas en mesure de les revendre à un autre client ce qui impliquerait une reprise de la flotte pour un montant estimé à 1 milliard d'euros.


Les soucis d'ordre technique se sont également accumulés pour ce client des plus exigeants. Le Rafale dont nous parlons sera bien plus sophistiqué que celui équipant l'armée française. Outre un troisième point d'emport sous voilure, des contre-mesures électroniques et une furtivité améliorée ou encore un moteur M88-2 plus puissant dont nous vous parlions précédemment, les Emiratis souhaitent surtout le nouveau radar à « antenne active » qui n'équipe actuellement pas les Rafale français (eux équipés de RBE2).


Ces radars sont aujourd'hui en cours de production et équiperont la prochaine tranche de l'armée de l'air à partir de 2012-2013. Déclaré non prioritaire par la défense, ce radar n'a pas été développé par Thales pour les tranches précédentes en raison de son coût élevé mais, serait nécessaire aux Emirats face à l'Iran dont la défense anti-aérienne se renforce de plus en plus (peut-être avec des S-300 russes) pour des frappes de longue portée. On parle alors d'un Rafale +, d'un standard 4 ou d'un Rafale-9 en référence aux Mirage actuellement en service aux EAU.


Aeroplans - MBDA missile MeteorDe notre côté, on peut voir cette exigence comme une opportunité pour la Défense française. Si les EAU ne veulent pas prendre en charge ces frais le contrat pourrait quand même avoisiner les 9 milliards de dollars selon le Parisien.), l'industrie française pourrait s'y retrouver. Outre la vente de Rafale et une avancée pour l'armée de l'air française, toute la filière serait soulagée. Les EAU ont d'ores et déjà annoncés être intéressés par la fourniture prochaine (horizon 2020) de missiles air-air longue portée Meteor de dernière génération fabriqués par la firme MBDA.


Reste que ce contrat pourrait aussi en déclencher d'autres. On pense notamment aux autres pays de la région avec lesquels le GIE Rafale discutent actuellement : le Qatar, la Libye, Oman. Pour le Koweït cela semble raté mais rien d'officiel n'a pour le moment été annoncé. Enfin, la méthode habituelle des Américains visant à discréditer l'avion français serait mise en péril une fois l'appareil vendu.


D'autres échos (positifs) seraient alors disponibles pour d'éventuels acquéreurs. On pense alors au Brésil qui ne manque pas de potentiel et avec lequel la France a aussi un partenariat stratégique de défense, à l'Inde ou à la Suisse.


Nuances du côté de chez Safran.Aeroplans - Dassault Rafale


Evidement on reste très prudent du côté français quand à la clôture de ce contrat. La semaine dernière, le groupe Safran en charge du M88 soit le moteur du Rafale a déclaré être en train de travailler sur cette version plus puissante que celle équipant les avions de l'armée de l'air française. Le but étant toujours de passer d'une poussée de 7,5 tonnes à une poussée de 9 tonnes. Une telle évolution est au centre des débats sur pas mal de contrats à l'export, le Rafale étant pour le moment un peu à la traine sur ce point là vis-à-vis de la concurrence. Si Safran envisage une issue heureuse à ce problème dans les mois à venir, le simple fait d'avoir mis en œuvre les travaux pourrait suffire à un engagement des Emirats. Affaire à suivre...

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