Aeroplans - M-346 © Finmeccanica

La réponse se cache surement derrière cet acronyme peu engageant : AEJPT soit « Advanced European Jet Pilot Training ». Mais attention, le programme est potentiellement explosif. Il se joue de nombreuses manœuvres internationales qui ne sont pas sans rappeler les difficultés éprouvées par l’Alpha Jet pour équiper l’armée de l’air américaine en son temps.

Si déjà à l’époque, l’Alpha Jet, autrefois dénommé TA501 a dû faire face à une compétition acharnée face aux E-650 Eurotrainer et T-291 de VFW-Fokker, le futur avion d’entrainement européen doit lui aussi affronter de nombreuses pressions.

 

 

 

Mutualiser les besoins de douze puis neuf nations européennes.Aeroplans - Installations d'Alenia-Aermacchi © Finmeccanica

Conduit par l’Agence Européenne de Défense, l’AEJPT a pour but de mutualiser les besoins la formation des pilotes de chasse européens. Autrement connu sous le nom d’Eurotraining, le projet a vu le jour en 1997. Mais depuis, différentes causes ont fait que le programme piétine. Au départ, il rassemblait d’ailleurs 12 pays. Mais aujourd’hui seuls neuf répondent encore présents : la France, l’Italie, l’Autriche, la Belgique, la Finlande, la Grèce, le Portugal, l’Espagne et la Suède. L’Allemagne, la Suisse et les Pays Bas n’ont aujourd’hui plus qu’un rôle d’observateurs.

Tel qu’il fut construit en 1997, le programme devait fournir de premiers appareils dès 2010. Seulement, force est de constater que les progrès réalisés dans ce programme sont lents. Etudié pour répondre aux besoins de formation pour 300 élèves pilotes par an, aujourd’hui ils ne seraient plus que 167 concernés (et dix opérateurs de systèmes d’armes). Le désistement des trois pays mentionnés plus haut et la compression des budgets militaires y jouent pour beaucoup. Finalement, la date de mise en service des premiers appareils serait aujourd’hui estimée à 2020.

Aeroplans - Rockwell T-2 Buckeyes US NavyCeci à condition que le programme avance. Beaucoup estiment que l’agence européenne n’est pas assez sous pression pour avancer. Compte tenu des efforts de modernisation des Alpha Jet français, inutile de préciser que Paris ne sera surement pas très motivée pour l’instant. Il en va de même pour les Finlandais qui viennent de moderniser leurs Hawk qui voleront jusqu’en 2030. On aurait pu croire un temps en la Grèce qui a un besoin de plus en plus urgent de remplacer ses Rockwell T-2 Buckeyes. Mais compte tenu des difficultés financières du pays, ces espoirs tombent à l’eau. Reste alors l’Italie. Le pays supporte verbalement le projet depuis le début. Ceci d’autant plus que l’industriel en charge de la production de l’avion serait surement italien.

Le M-346 Master est le favori mais le Hawk 128 tient la corde.

Malgré ses déboires aux Emirats arabes unis, le M-346 conçu par l’industriel italien Finmeccanica (Alenia Aermacchi), intéresse beaucoup à travers le monde. Mais pour remporter l’AEJPT, il va devoir faire face à un best-seller de BAE Systems, le Hawk.Aeroplans - M-311 © Finmeccanica

Si tout continue, un appel d’offres pour les équipements clés devrait avoir lieu en octobre. La sélection finale de l’avion devrait alors avoir lieu en juillet 2012 pour une signature de contrat en janvier 2014. Du coup, le système devrait rentrer en service en 2017 pour être pleinement opérationnel en 2020. Pour accélérer le projet, un placement du programme au sein de l’OCCAR (Organisation Conjointe de Coopération en matière d'Armement) serait envisagé par les pays membres.

Déjà, le M-346 est considéré comme le favori dans cette course. La France par exemple, semble soutenir le projet italien. Dans un communiqué commun, « l’Italie et la France relèvent que, parmi d’autres, le M-346 pourrait répondre aux exigences communes exprimées par les pays AEJPT ». Les deux pays travailleront également à la réalisation d’un système commun de polygones d’entraînement entre la Corse et la Sardaigne.

Une européanisation du programme industriel.Aeroplans - M-311 © Finmeccanica

Le programme du M-346 prend industriellement une dimension plus européenne. En effet, EADS Defense & Security s’est allié à Finmeccanica pour remporter l’AEJPT et déposer une proposition commune. Des discussions commencées en décembre 2009 et qui laissent la porte ouverte à d’autres entreprises désireuses d’intégrer le projet. Ceci alors que Northrop Grumman a été sélectionné pour fournir le système de navigation.

Le consortium européen se rattache ainsi à l’appel d’offres après avoir semble-t-il abandonné son offre basée sur le Mako HEAT (pour High Energy Advanced Trainer). A l’époque, les sous-traitants étaient déjà Finmeccanica-Aermacchi, Saab et Dassault.

Cette nouvelle offre apparait comme la mieux placée pour répondre aux besoins de l’Agence Européenne de Défense en termes de capacités, flexibilité, efficacité, interopérabilité et de situation Aeroplans - EADS Mako HEATgéographique comme de répartition des tâches.

Le M-346 souvent taxé de n’exister que sur le papier (premier vol en décembre 2008), a finalement été commandé par l’armée de l’air italienne pour répondre à des besoins urgents et peut-être pour concrétiser le projet. Pour cette commande c’est l’entreprise américaine CAE qui fournira les outils d’entrainements. Une commande de six exemplaires qui pourrait être suivie par neuf avions supplémentaires.

Le M-346 est aussi proche de la victoire à Singapour après la mise de côté de BAE Systems et de son Hawk 128. Il reste en compétition face au T50 coréen. Il pourrait aussi se vendre en Arabie Saoudite, en Equateur, en Indonésie, au Qatar, au Chili ou encore en Grèce si l’AEJPT ne s’en charge pas.

 

Aeroplans - BAe Hawk © BAe SystemsLa contre-attaque du Hawk de BAe Systems.

Mais au rayon des appareils d’entrainement de dernière génération fabriqués en Europe, on trouve aussi le Hawk Advanced Jet Trainer. Le dernier modèle de BAe Systems est un mastodonte du secteur. Avec 900 Hawk vendus auprès le 18 clients internationaux et deux millions d’heures de vol au compteur, la compétition sera rude. L’appareil est, comme le M-346, prévu pour l’entrainement des pilotes amenés à côtoyer des appareils de quatrième comme de cinquième génération tel que le Rafale, l’Eurofighter ou le F-35.

Cependant, celui qui est aujourd’hui le plus grand marchand de matériel de défense au monde est plus ou moins exclu du projet. L’AEJPT peut d’ailleurs considérer que son lancement a eu lieu en 2002 et non pas en 1997 puisque BAe n’avait alors pas était invité à se joindre totalement aux discussions. Un fait dont on ne comprend pas forcément la cause alors que son Hawk est l’avion le plus répandu et donc le plus expérimenté des deux.

Aeroplans - BAe Hawk Malaisien © BAe Systems

 

Enfin, compte tenu de l’urgence qu’il s’agira de gérer, la capacité de l’alliance EADS-Finmeccanica n’est pas prouvée. Ceci alors que BAe peut faire valoir une expérience certaine.

De plus, les relations d’influence sont nombreuses dans ce dossier. Si vous avez pu remarquer au fil de cet article les liens qui unissent les Américains aux Italiens, on notera aussi que Boeing s’est rapproché d’Alenia Aermacchi notamment sur l’appel d’offres de Singapour. Le but étant clairement de fragiliser la montée en puissance de BAe Systems sur la scène mondiale. Aujourd’hui l’appareil plus moderne italien n’est plus en course que contre le T50 fabriqué par Korea Aerospace Industries et Lockheed Martin. Une bonne pioche pour l’industrie aéronautique américaine.

Tout ceci se fait en laissant miroiter aux Italiens une position privilégiée dans un gros appel d’offres futur, celui du remplacement des 500 Northrop T-38C pour la formation des pilotes américains.

Mais au niveau européen, tout ce que cette alliance Aeroplans - Ligne de production BAe Hawk © BAe Systemslaisse augurer c’est une nouvelle division notamment sur l’AEJPT. Une technique habituelle pour les Américains pour garder le contrôle sur la vieille Europe. Certain verront dans la marche arrière de l’Allemagne au profit d’une alliance renforcée avec GE une preuve de cette stratégie. A noter que Finmeccanica et sa filiale Alenia Aermacchi sont déjà partenaires de Boeing dans différents dossiers tels que le B787, le CH-47 Chinook ou le fameux ravitailleur en vol, KC-767.

Michael Colaone.

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