Aeroplans - A320 NEO (Crédits Airbus SAS)Analyse - Après un long débat interne chez Airbus, le feu vert a été donné le 1er décembre dernier, pour le lancement de l’A320 « NEO » (New Engine Option). La décision  n’était, en effet, pas facile à prendre pour l’avionneur européen. Le choix  de moderniser son Best Seller (6500 commandes à ce jour) est un choix stratégique de haute importance puisque l’A320 a encore de beaux jours devant lui, les carnets de commandes sont pleins, et les cadences de production on été récemment augmentées à 36 appareils par an.

Le dilemme se portait sur le choix, de patienter pour concevoir un modèle monocouloir entièrement nouveau ou bien lancer l’option « NEO » pour répondre aux demandes à plus court terme, en matière d’écologie, de coûts d’exploitation et notamment pour faire face à la nouvelle concurrence émergente pour préserver les parts de marchés du constructeur.  

 

 

Aeroplans - A320neo_PW100GSe lancer dans un tel projet demanda à Airbus d’évaluer ses ressources disponibles, les équipes actuelles étant  concentrées sur les programmes A400M et A350.

Qu’en est-il sur le papier ?

Cette option concerne notamment la remotorisation de l’appareil par le LEAP-X de CFM international et la famille des PW1100G de Pratt&Whitney. On remarquera que ROLLS ROYS n’est pas de la partie, nouveau coup dur  pour le motoriste Britannique après l’explosion non contenue d’un Trent 900 sur un A380 de Qantas et ses déboires judiciaires face à son « allié » Pratt&Whitney dans le cadre de l’alliance IAE. En plus de  cette remotorisation seraient développés des Aeroplans - Leap-X_de_CFMI« Sparklets » (winglets), affinant l’aérodynamique de l’appareil.  Airbus annonce  que cette formule « NEO » économiserait près de 15% en consommation de carburant par rapport aux modèles actuels, équivalent à 950 kms de distance franchissable supplémentaire ou deux tonnes de charge utile supplémentaire. Les équipes visent une réduction du niveau sonore des moteurs, une réduction des émissions de Nox et des coûts d'exploitation plus bas. Cette variante serait disponible sur l’ensemble de la famille A320 (sauf A318), pour une mise en service courant 2016. Mais il ne s’agit que d’une « option », hors de question de supprimer la version classique de l’A320, motorisé par les CFM56-5 ou IAE V2500.

Cette décision tombe plutôt au moment opportun pour contre attaquer la nouvelle concurrence sur le marché des monocouloirs où la bataille promet d’être acharnée face aux futurs  modèles de chez Embraer, Irkout avec son MS21, le Superjet 100 de sukoi mais aussi le C919 chinois de la COMAC et les C-Series de Bombardier.

Aeroplans - C919_de_COMAC« NEO », bouclier des parts de marchés de Airbus sur les monocouloirs.

Airbus avec son NEO coupe en effet l’herbe sous le pied des constructeurs Canadien et Chinois, dont le principal argument est de disposer de motorisations plus modernes par rapport aux A320 et 737NG.

Le C919 chinois, qui notons le, est très proche du design et des dimensions d’un A320, lorgne les parts de marché du best-seller de Airbus. Le constructeur de l’appareil, la Comac (Commercial Aircraft Corporation of China) a exposée une maquette taille réelle au dernier salon de Zhuhai, dévoilant une cabine conventionnelle et un cockpit tout écran conçu conjointement par GE Aviation et Avic. Le C919 n’est pas entièrement de conception  chinoise, loin de là, puisque de nombreux équipementiers occidentaux participent au programme, notamment CFMAeroplans - Bombardier_Cseries international avec son Leap-X1C (même famille pour le NEO). L’avion de ligne de 150 places afficherait une distance franchissable de 4.075Km  et son constructeur précise que le coût opérationnel de l’avion serait de 10% inférieur aux appareils existants. Actuellement les commandes officielles s’élèveraient à une centaine d’exemplaires (dont seules 55 semblent être des commandes fermes), notamment passées par des compagnies chinoises poussées par Pékin d’afficher leur soutient au programme national.

Quant au C-series canadien, il disposera aussi  d’une famille de moteur commune avec le NEO, qui est le PW1000G. On devine une manœuvre subtile d’Airbus dans le choix des moteurs, afin de repositionner son A320 à la hauteur des avions chinois et canadien (en terme de réduction de consommation), du moins dans le discours officiel.

Du coté de Bombardier le discours parait serein « Avec leur avion remotorisé, ils vont faire des économies de carburant, il n’y a aucun doute là-dessusAeroplans - Maquette_737_en_souflerie, mais ce n’est pas vrai qu’en mettant un nouveau moteur sur un vieil appareil, vous obtiendrez les mêmes économies qu’avec un neuf ».

En ce qui concerne la réaction de Boeing qui à ce jour n’a toujours pas pris de décision officielle sur la remotorisation de son 737, on estime que la remotorisation de l’A320 ne visait qu’à « combler le retard sur le 737NG », discours de bonne guerre entre les deux meilleurs ennemis. Néanmoins lors de la présentation de son programme de recherche « cleen » (Continuous Lower Energy Emissions and Noise), Boeing a dévoilé la photo d’une maquette de 737 modifiée dans une soufflerie de Qinetiq. On constate des moteurs à plus grand diamètre intégrés dans l’aile. D’après certains spécialistes il pourrait s’agir d’essais pour l’intégration du Leap-X…

 

 

Le choix d’Airbus oblige Boeing à réagir rapidement, La firme de Seattle lancera-t- elle une version concurrente ? En tout cas, cette situation est très inconfortable pour l’avionneur américain qui voit déjà ses ressources mobilisées sur les problèmes rencontrés sur ses programmes 747-8 et notamment 787 qui accuse déjà 3 ans de retard. La balance pourrait bien pencher du coté de l’avionneur européen.

Concernant les ressources d’Airbus, le constructeur défend sa capacité à pouvoir mener un tel projet aux cotés de ceux en cours.

Aeroplans - Choix_des_constructeursAirbus affirme sa capacité à opérer sur tous les fronts.

Un long débat a  été mené en interne chez Airbus depuis un an, pour évaluer ses capacités à se lancer dans ce programme, la plupart du personnel est à l’œuvre sur l’A400M et l’A350 notamment la version -1000. "Trouver les ressources nécessaires pour l’A320 NEO n’a pas vraiment été chose facile", a précisé Tom Enders, une réorganisation de la production de l’A350 a été annoncé, cela devrait vraisemblablement libérer les ressources nécessaires. De plus le financement de l’A400M est enfin finalisé avec l’accord passé avec les Etats partenaires.

D’après le constructeur, la modification en question ne serait pas aussi lourde que l’on pourrait penser, malgré des moteurs plus gros et plus lourds, un A320 NEO serait à 95% de la même origine d’un modèle classique, la voilure devrait être renforcée pour accueillir les ailettes marginales et les pylônes soutenant les moteurs . De plus ceci aurait l’avantage de disposer  de la même maintenance et formation pour les deux versions. Néanmoins un rétrofit « NEO » d’un modèle classique existant serait impossible.

Si au départ l’idée n’avait pas reçu  un bon accueil par certaines compagnies qui doutent de l’économie annoncée, notamment Air-France, Airbus évalue le marché du NEO à 4000 unités, dont plusieurs centaines de commandes en 2011. “Nous sommes convaincus que l’A320 NEO connaîtra un immense succès sur tous les marchés et auprès de tous les types d’utilisateurs, offrant d’immenses avantages avec des changements mineurs. Notre but est de tirer le meilleur parti d’un appareil connu pour sa régularité technique en exploitation et sa maturité, et de le rendre encore plus efficient et respectueux de l’environnement”, a déclaré Tom Enders, PDG d’Airbus.

Delta Airlines et la low cost AirAsia, se sont déclarées « encouragées » par l’annonce d’Airbus, et étudieront l’inclusion dans leurs flottes des nouveaux appareils. Mais on évoque particulièrement  la société  de location d’avion Gecas, la compagnie indienne Indigo ou Qatar Airways pour passer les premières commandes.

En ce qui concerne le prix, Airbus table sur 8 millions de dollars plus cher qu’une version d’A320 classique, alors que l’on estime les prix de la gamme de 74 millions de dollars à 96 millions de dollars par appareil (de l’A319 à l’A321).

L’offre sur le marché des monocouloirs devrait  exploser dans les années à venir avec pas moins  de 6 à 7 nouveaux modèles (incluant le NEO), mettant fin au monopole des géants Boeing et Airbus. Néanmoins on estime que tout le monde  aurait sa part du gâteau, la demande croissante est propulsée par les marchés chinois et indiens. On estime les besoins à 2950 monocouloirs rien que pour la Chine et un marché mondiale de pratiquement 26000 avions neufs (tous modèles confondus), dont 69% de monocouloirs dans les 20 ans à venir. Airbus lance donc le NEO pour se donner toutes ses chances afin de préserver ses parts de marchés jusqu’aux environs de 2025 où il sera alors temps de concevoir le remplaçant du célèbre A320. Airbus aura toujours l’avantage de bénéficier de sa réputation par rapport à la concurrence émergeante (notamment chinoise) et d’un réseau étendu, mais devra mener à bien dans le coût et les délais son programme NEO au coté de l’A350 et A400M pour aboutir à ses objectifs.

Déjà une commande en Inde.

Airbus a remporté le plus gros contrat de toute l'histoire de l'aéronautique en Inde. IndiGo, la principale compagnie à bas coûts du pays, vient de s'engager pour une commande de 180 A320, dont 150 A320 NEO et 30 A320 « classiques ». Selon le constructeur, il s'agit de la commande ferme portant sur le plus grand nombre d'appareils dans l'histoire de l'aviation civile. Sachant qu'au prix catalogue un A320 NEO coûte 87,8 millions de dollars et un A320 « classique » 81,4 millions, la commande atteint 15,6 milliards de dollars (12 milliards d'euros). Les appareils devraient être livrés à partir de 2016 pour un contrat qui devrait être définitif d'ici au prochain salon du Bourget en juin. La commande d'IndiGo fait suite à sa première commande passée en 2005 pour 100 Airbus A320, dont la livraison s'achèvera en 2015.

Arnaud Gonnard