Aeroplans - HERON TPSous couvert de ce titre légèrement pompeux, nous allons faire un point sur les programmes de drones européens et des enjeux qu’ils représentent. Alors qu’un comité interministériel est imminent en France pour tenter de trouver des solutions à la fois pour gérer l’urgence et engager l’avenir, le débat doit tenir une place centrale.

L’Europe peine à s’organiser pour mener des programmes de drones sérieux. Visiblement, l’évolution de la composante n’a pas encore était bien cernée et il faudra malheureusement encore plusieurs années avant que des résultats significatifs sortent au grand jour. Néanmoins, des noms font déjà les gros titres : Talarion, Barracuda, Harfang ou nEUROn. Au-delà de ces programmes en cours nous verrons ce qu’il se prépare dans les bureaux d’études. Nous aborderons également des questions plus stratégiques. Guerre low-cost, techno-guérilla ou encore concurrence étrangère, nous tenterons de lancer ou relancer quelques réflexions pour l’avenir des avions sans pilotes.

 

 

Gérer l’urgence et engager l’avenir.Aeroplans - HERON TP

Le leitmotiv de l’armée de l’air française a de quoi faire froid dans le dos. En Europe, nous pouvons entendre grosso modo le même son de cloche dans les autres armées. À l’image des Français qui commencent une révolution dictée par le livre blanc de la défense, la révision générale des politiques publiques et la nouvelle loi de programmation militaire, les armées évoluent. L’organisation héritée de la guerre froide doit maintenant laisser place à une organisation adaptée à l’évolution des conflits. Ainsi, si l’on rajoute à cela les contraintes budgétaires, les effectifs vont décroitre, les parcs d’avions vont se réduire et les moyens vont de plus en plus prendre le chemin de « l’interarmées ».

Dans ce contexte original, les Européens n’ont pas su anticiper la montée en puissance de la composante drone. Alors que les militaires sont déjà inquiets de voir les calendriers de livraisons Rafale, A400M Aeroplans - HERONou A330MRTT sans cesse étalés, ils voient aussi le déficit capacitaire laissé par le manque de moyens alloués aux UAV se creuser. Pour les aviateurs européens, il y a urgence. Il s’agit de vite définir sur ce segment une capacité à long terme tout en renforçant les moyens actuels. Pour eux, la route est encore longue. Le temps que des besoins communs soient correctement identifiés et qu’une stratégie en émerge, la rupture capacitaire anticipée pour 2020 se rapproche.

D’un côté, les armées veulent mettre en commun leurs efforts pour développer une « Europe de la défense » qui après avoir échoué sur le segment des avions de combat (avec pilotes) s’épanouirait sur le segment des drones. Mais d’un autre côté, la volonté politique et industrielle manque pour faire de l’Europe un des meneurs de l’industrie mondiale. Mais attention, Israël, les États-Unis, la Russie, l’Inde ou la Chine sont déjà partis.

Mais l’urgence doit tout de même être relativisée. Si elle concerne assurément les moyens de surveillance de l’espace de bataille, une réflexion sur des drones d’attaque air-sol peut encore murir. Il faut alors trouver une solution temporaire pour répondre aux besoins actuels. Un achat de drones étrangers serait alors une solution acceptable et envisagée. Mais au-delà du présent immédiat, il faut d’ores et déjà préparer l’avenir. C’est sur cette question là que nous réfléchirons ces prochains temps après être revenus sur les possibles acquisitions envisagées par l’armée de l’Air française.

Aeroplans - PredatorLa solution américaine pour un achat sur étagère de drones « intermédiaires ».

Alors que l’Europe n’est pas aujourd’hui capable de répondre aux besoins en drones « intermédiaires » pour ses armées, ces dernières vont peut-être se tourner vers la concurrence. Les États-Unis se sont maintenant affirmés comme producteurs incontournables pour ce type de machines. Une option américaine rapide et simple se présente alors à Paris pour gérer l’urgence.

Ainsi, l’achat de MQ-9 Predator B/Reaper serait l’option la plus probable pour éviter un déficit capacitaire. Malgré son appartenance à l’industrie américaine, le drone permettrait aux armées françaises de ne pas technologiquement régresser en attendant son propre matériel. Cette solution aurait également l’avantage du prix et de l’interopérabilité. En effet, la machine est engagée par les forces américaines, britanniques et italiennes en Afghanistan où la France opère aussi. Cependant, General Atomics ne produit que quatre de ces drones par mois à San Diego. Suivant la demande, les Français pourraient avoir à attendre.

Autre problème, celui de l’autonomie de l’armée de l’Air. L’US Air Force affiche un soutient sans faille à la démarche française comme ça avait pu être le cas pour les Italiens quand ils ont commencé à acheter des Predator. Mais dans ce cas, cette solution aujourd’hui qualifiée de provisoire pourrait être amenée à durer. L’Italie prévoit encore la livraison de six Predator B en 2010. Mais le pays n’a pas pour autant renoncé à des programmes nationaux et européens. On connait les liens qui unissent la France et l’Italie. On parle aussi d’une participation au programme Mantis britannique dans lequel la France pourrait là encore jouer un rôle accru.

Les solutions européanisées les plus abouties :Aeroplans - HERON TP

Malgré un retard certain, l’Europe pourrait fournir des solutions viables et performantes en peu de temps. Ceci à condition de recevoir toute l’aide politique et financière nécessaire. Reste aussi le problème des compétences. Ainsi, en matière de développement et de production des drones elles sont assez différentes de celles requises pour les avions de combat.

Un HERON TP modifié en France et en Espagne.

Dassault Aviation, Thales et l’espagnol INDRA ont signé un accord industriel visant à fournir une solution à très court terme aux gouvernements français et espagnols. Ce système développé en coopération franco-espagnole serait basé sur le HERON TP israélien. Cette offre pragmatique et surtout correspondant (selon les industriels) aux besoins communs des deux pays en matière de surveillance du théâtre d’opérations a de quoi séduire. Les premiers exemplaires pourraient être livrés dès 2012 ce qui réduit peut-être l’intérêt de l’option américaine mentionnée plus avant.

De plus, cette solution bénéficierait à l’industrie européenne. Elle se baserait sur la trentaine d’années d’expérience israélienne dans le domaine tout en progressant par ses propres moyens puisqu’une part importante des systèmes serait franco-espagnole. Cependant, les dernières expériences de coopération franco-israélienne laissent planer le doute sur cette solution. Le développement d’une version « francisée » du Heron, le Harfang ne s’est pas fait sans retards (plus de 5 ans) et dépassements de budgets.

Bientôt, la suite.

Michael Colaone.

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